Lettre à Monsieur Haro, 16 novembre 1850

  • Cote de la lettre ED-IN-1850-NOV-16-A
  • Auteur Eugène DELACROIX
  • Destinataire Etienne-François HARO
  • Date 16 [Novembre] 18[50]
  • Lieux de conservation Paris, bibliothèque de l'INHA, collections Jacques Doucet
  • Éditions précédentes Joubin, Correspondance générale, 1936-38
    , t. III, p. 44-46.
  • Enveloppe Non
  • Nombre de pages écrites 4
  • Présence d’un croquis Non
  • Dimension en cm 20,2x27,2
  • Cachet de cire Oui
  • Nature du document Lettre Autographe Signée
  • Cote musée bibliothèque Ms. 237 pièce 35
  • Cachet de la poste [1er cachet, partiellement illisible] 17 NOV [185]0 ; [2e cachet] 73[?] Draveil ; 2 autres cachets postaux partiels
  • Données matérielles Trou en partie inférieure ; Manque en bordure supérieure droite.
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Transcription modernisée

Monsieur Haro
Marchand de couleurs
Rue des Petits Augustins, 18
Paris

 

 

Champrosay, samedi 16 [novembre 1850]

 

Mon cher Monsieur, vous lâchez prise bien facilement sur ce qui vous concerne1 et vous avez une persistance dont je ne saurais assez vous remercier pour ma sotte affaire2. Mais je vous en supplie : laissez ces pleutres de bibliothécaires s’installer comme ils voudront ; après leur avoir donné les meilleurs logements, ils donneront les autres à leurs portiers. Qui peut les retenir ? n’ont ils pas fait une espèce de faux en précipitant ou en simulant la conclusion en leur faveur ? Je suis tout consolé ; pensez à vous dont la position à cause de votre jeunesse dans votre partie demande toutes sortes d’aides. J’ai été bien mal reçu et je m’en suis bien voulu d’être parti, sans insister davantage. Dans le premier moment j’étais si assommé du métier que je faisais, que je n’ai pensé qu’à mon ennui et à mon désir de venir ici achever deux ou trois petits tableaux. À la vérité vous avez affaire à des gens plus sots que malveillants ; mais l’entêtement est presque toujours plus difficile à forcer que le mauvais vouloir. Je serai à Paris à la fin de la semaine où nous allons entrer. Nous verrons le parti que nous pourrons tirer de vos recommandations qui sont puissantes.

Remerciez bien M. Sacaley de son intérêt : il m’a plu comme je lui ai plu. J’ai reçu un mot de M. Mocquard qui me fait part du triste résultat. Je lui ai la même obligation. Je vous répète que je regrette que Mme de Forget ait été remuer de nouveau tout cela. On est étonné de voir tout ce qu’il faut d’efforts pour faire réussir une chose aussi modeste que juste. Vous parlez très bien dans votre lettre de la résignation qui vous reporte au travail. J’ai toujours pensé, et cela m’a sauvé de tous les embarras que c’était là le meilleur protecteur.

Aussitôt mon retour, je vous chercherai des lithographies pour M. Lacrosse3. Rappelez-le-moi à Paris, car je n’ai pas de mémoire et je serais désolé d’y manquer.

N’oubliez pas les cylindres4 du tableau. Comme les ouvriers sont difficiles à faire marche, il sera bon de s’y prendre de bonne heure.

Recevez, cher Monsieur, mille nouveaux remerciements et bien affectueux.

Eug. Delacroix

Jenny qui est bien sensible à votre souvenir vous remercie bien ainsi que Mme Haro.

 


1 Haro avait convoité la place de restaurateur de tableaux à l’Institut et à l’Ecole des Beaux-Arts.
2 Delacroix avait sollicité un logement à l’Institut. Celui-ci fut finalement attribué à un bibliothécaire de la Mazarine.
3 Non identifié.
4 Tubes destinés au transport du tableau.

Transcription originale

Page 1

Monsieur Haro

Md. de couleur

rue des Petits augustins

18.

Paris

 

Page 2

Champrosay samedi 16.

[novembre 1850]

Mon cher Monsieur, vous lachez prise
bien facilement sur ce qui vous concerne
et vous avez une persistance dont je
ne saurais assez vous remercier pour
ma sotte affaire. Mais je vous en
supplie : laissez ces pleutres de biblio-
-thécaires s’installer comme ils voudront
après leur avoir donné les meilleurs
logements, ils donneront les autres à
leur portiers. qui peut les retenir : n’ont
ils pas fait une espèce de faux en
précipitant ou en simulant la
conclusion en leur faveur. Je suis tout
console ; pensez à vous dont la position
à cause de votre jeunesse dans votre
partie demande toutes sortes d’aides.
j’ai été bien mal reçu et je m’en
suis bien voulu d’etre parti ; sans in-
-sister davantage. Dans le premier
moment j’étais si assommé du metier
que je fesais, que je n’ai pensé qu’à

 

Page 3

mon ennui et à mon desir
de venir ici achever deux ou trois petits
tableaux. à la vérité vous avez affaire
à des gens plus sots que malveillants :
mais l’entetement est presque toujours [2 mots interlinéaires] [mots barrés illisibles]
plus difficile à forcer que le mauvais
vouloir. Je serai à Paris a la fin de
la semaine où nous allons entrer : nous
verrons le parti que nous pourrons tirer
de vos recommandations qui sont
puissantes.

Remerciez bien Mr. Sacaley de
son interêt : il m’a plu comme je lui
ai plu. J’ai reçu un mot de Mr.
Mocquard qui me fait part du
triste resultat. Je lui ai la même
obligation. Je vous repete que je
regrette que Me. de forget ait eté
remuer de nouveau tout cela. On
est etonné de voir tout ce qu’il faut
d’efforts pour faire reussir une chose
aussi modeste que juste. Vous parlez
très bien dans votre lettre de la resignation
qui vous reporte au travail. J’ai toujours

 

Page 4

pensé et cela [m’a] sauvé de tous
les embarras que c’était là le
meilleur protecteur.

Aussitôt mon retour je vous
chercherai des lithographies pour
Mr. Lacrosse. rappelez le moi à Paris [2 mots interlinéaires] car
je n’ai pas de memoire et je serais
désolé d’y manquer.

N’oubliez pas les cylindres du
tableau. comme les ouvriers sont
difficiles à faire marche, il sera
bon de s’y prendre de bon heure.

Recevez cher Monsieur mille
nouveaux remerciements et bien
affectueux.

EugDelacroix

Jenny qui est bien sensible à
votre souvenir vous remercie bien
ainsi que Mad. Haro.

 

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