Lettre à George Sand, 10 décembre 1849

  • Cote de la lettre ED-IN-1849-DEC-10-A
  • Auteur Eugène DELACROIX
  • Destinataire George SAND
  • Date [10] [Décembre] 18[49]
  • Lieux de conservation Paris, bibliothèque de l'INHA, collections Jacques Doucet
  • Éditions précédentes L’Art vivant, 1er septembre 1930, p. 705. Joubin, Corr. gén, t. III, p. 412-413. Alexandre, 2005, p. 177.
  • Enveloppe Non
  • Nombre de pages écrites 3
  • Présence d’un croquis Non
  • Dimension en cm 20,3x26,6
  • Cachet de cire Non
  • Nature du document Lettre Autographe Signée
  • Cote musée bibliothèque Ms. 236 pièce 52
  • Observations Datation établie par André Joubin
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Transcription modernisée

Lundi 6 heures

Chère amie, je rentre de Versailles et votre lettre me réchauffe d’un froid de dix heures consécutives contracté dans les chemins de fer et dans des courses à travers Versailles. Vous ne doutez pas que je ne sois tout à Ponsard1 et la perspective de vous voir quelques instants augmente mon zèle. Vous ne me dites pas où demeure Rachel : écrivez-le moi demain matin de bonne heure. Si cette lettre ne vous trouve pas à cette heure à l’adresse que vous me donnez, j’y serai demain vers 1 heure. La fameuse tragédienne devient une bécasse. Quand on a joué Adrienne Lecouvreur de Scribe et compagnie2, il ne faut pas tant tortiller des…. pour jouer du Ponsard que j’aime et respecte. Vous l’aimez aussi et c’est une raison plus que suffisante. J’ai été bien heureux de vous revoir, chère amie, je vous embrasse donc tout de nouveau en vous recommandant de me donner l’adresse.

Si je n’étais accablé de démarches qui sont une affaire importante dans ma vie de ce moment3, j’aurais déjà vu votre charmant ouvrage dont tout le monde raffole4. J’ai encore une semaine d’allées et de venues si fatigantes pour ma mince nature physique qu’il n’y aurait pour les pures émotions que des nerfs fatigués et émoussés, ce que je ne veux pas vous apporter.

À demain donc et je vous embrasse bien sincèrement.

 

Eugène Delacroix


1 François Ponsard tente de faire jouer Charlotte Corday, tragédie sujet à polémique en raison de son héroïne et de certains partis pris de la mise en scène. Après plusieurs tentatives, la pièce est finalement donnée à la Comédie-Française pour une première le 23 mars 1850.
2 Comédie d’Eugène Scribe et de d’Ernest Legouvé, présentée à la Comédie-Française à partir du 14 avril 1849 et qui rencontra un grand succès. Rachel interprétait le rôle d’Adrienne Lecouvreur (1692-1730), célèbre comédienne dont la mort tragique inspira de nombreuses adaptations de sa vie, tant au théâtre qu’à l’opéra et plus tard au cinéma.
3 Delacroix prépare alors sa candidature à l’Institut. Il n’y entrera qu’en 1857, après sept tentatives infructueuses.
4 Donné au théâtre de l’Odéon en novembre 1849, François le Champi fut adopté en roman en 1850.

Transcription originale

Page 1

lundi 6hres

Chère amie je rentre de
Versailles et votre lettre me
rechauffe d’un froid de 10hres consé-
-cutives contracté dans les
chemins de fer et dans des courses
à travers Versailles. Vous ne
doutez pas que je ne sois tout
à Ponsard et la perspective de
vous voir quelque instans augmente
mon zèle. Vous ne me dîtes
pas où demeure Rachel :
ecrivez le moi demain matin de
bonne heure
si cette lettre ne
vous trouve pas à cette heure
à l’adresse que vous me donnez :
j’y serai demain vers 1 heure –

 

lundi 6hres

 

Chère amie je rentre de

Versailles et votre lettre me

réchauffe d’un froid de 10hres consé-

-cutives contracté dans les

chemins de fer et dans des courses

à travers Versailles. Vous ne

doutez pas que je ne sois tout

à Ponsard et la perspective de

vous voir quelque instans augmente

mon zèle. Vous ne me dites

pas où demeure Rachel :

écrivez le moi demain matin de

bonne heure si cette lettre ne

vous trouve pas à cette heure

à l’adresse que vous me donnez :

j’y serai demain vers 1 heure –

Page 2

la fameuse tragédienne
devient une bécasse. quand
on a joué adrienne Lecouvreur de
Scribe et compagnie il ne faut
pas tant tortiller des….
pour jouer du Ponsard que
j’aime et respecte. Vous l’aimez
aussi et c’est une raison
plus que suffisante. J’ai eté
bien heureux de vous revoir chère
amie, je vous embrasse donc
tout de nouveau en vous recom-
-mandant de me donner l’adresse.
— Si je n’étais accablé de
démarches qui sont une affaire
importante dans ma vie de ce
moment, j’aurais deja vu

Page 3

votre charmant ouvrage
dont tout le monde raffole.
[phrase raturée] J’ai encore
une semaine d’allées et de
venues si fatigantes pour
ma mince nature physique
qu’il n’y aurait pour les pures
émotions que des nerfs fatigués
et émoussés ce que je ne veux
pas vous apporter.
A demain donc et je vous
embrasse bien sinceremt

EugDelacroix

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