Lettre à Gustave Lassalle-Bordes, 28 mars 1842

  • Cote de la lettre ED-IN-1842-MAR-28-A
  • Auteur Eugène DELACROIX
  • Destinataire Gustave LASSALLE-BORDES
  • Date 28 Mars 18[42]
  • Lieux de conservation Paris, bibliothèque de l'INHA, collections Jacques Doucet
  • Éditions précédentes Burty, 1878
    , t. I, p. 252. Joubin, Corr. gén, t. II, p. 94-95.
  • Enveloppe Non
  • Nombre de pages écrites 4
  • Présence d’un croquis Non
  • Dimension en cm 19x25
  • Cachet de cire Non
  • Nature du document Lettre Autographe Signée
  • Cote musée bibliothèque Ms. 245 pièce 1
  • Cachet de la poste [1er cachet] St.-Leu-Taverny (72) // 28 Mars 42 ; [2e cachet] I D. ; [3e cachet] C ; [4e cachet, illisible]
  • Œuvre concernée Bibliothèque de la Chambre des pairs
    Bibliothèque du palais Bourbon
    Pietà, Paris, église Saint-Denys du Saint-Sacrement
Agrandir la page 1
Agrandir la page 2
Agrandir la page 3
Agrandir la page 4

Transcription modernisée

Monsieur Lassalle-Bordes
Peintre. Rue du four 60.
A Paris

28 mars Lundi
1841 (1842)1

Je vous réponds, mon cher Lassalle, aussitôt votre lettre reçue et la date vous montrera qu’elle a tardé à m’arriver à cause de l’adresse qui était très vague. J’ai eu plus d’une fois l’envie de vous écrire et je ne l’ai point fait parce que je restais ici2, en quelque sorte, au jour le jour dans l’espoir du beau temps. Ma santé est beaucoup meilleure : la voix est toujours faible et il faudra du temps pour la faire revenir complètement sans fatigue. Il faudra surtout de la chaleur. Trois jours de soleil que nous avons eus de suite m’avaient remis entièrement. Depuis, ce mieux ne [s’est] pas soutenu à cause d’un vent très froid qui a régné ici. Cependant je ne puis tarder plus que la fin de cette semaine, sans que je puisse pourtant préciser le jour.

Je vous suis bien reconnaissant de tous les sentiments d’affection que vous me témoignez dans votre lettre et je les apprécie bien, je vous assure. Ils sont trop rares pour n’être pas précieux et j’espère que ce sera un lien qui donnera de la valeur à nos efforts à tous deux. Je suis bien aise que vous comptiez avoir achevé bientôt votre ébauche3. J’espère à mon retour que nous pourrons passer à la chapelle4 de suite. J’aurais bien désiré aussi que nous pussions en même temps mettre en train le tracé de l’hémicycle de la Chambre des pairs. Ma composition est arrêtée et sitôt mon arrivée je la tracerai sur le modèle5 de manière à ce que, d’ici à quinze jours, on puisse au moins faire quelque chose sur place. J’aurais désiré que ce travail pût être fait par Léger, auquel on pourrait adjoindre quelqu’un, nonobstant les coups d’œil que vous pourriez y donner de temps en temps. De cette manière il y aurait prise de possession et de plus nous ferions détruire l’échafaudage quand nous nous mettrions à la coupole. Nous causerons de tout cela.

Je vous remercie beaucoup de ce que vous faites pour l’atelier. J’irai régulièrement voir ces messieurs ; mais pour ne pas compromettre mes progrès en santé, je prendrai, je crois, le parti dans les premiers temps d’écrire à chacun au crayon mes observations sur un papier qu’il aura préparé d’avance. Je [n’ai] pas assez été prévenu par le médecin combien il était important de peu parler. J’ai été réellement guéri il y a un mois et j’ai abusé de ma voix, la croyant tout à fait revenue.

Adieu, mon cher Lassalle. Conservez-vous bien aussi et croyez à ma bien sincère amitié.

Eugène Delacroix

Vous seriez bien aimable en passant de montrer cette lettre à ma bonne. Dites-lui aussi que je l’avertirai positivement du jour de mon arrivée. Je pensais que M. Pierret lui avait donné de mes nouvelles.

 


1 La date de 1841 est barrée et celle de 1842 rajoutée à côté au crayon. Cette dernière est confirmée par le cachet de la poste.
2
Probablement chez les Riesener, à Frépillon, où il séjourna en mars.
3 Selon Joubin, il s’agirait de l’ébauche de l’Orphée pour la bibliothèque de la Chambre des députés (Joubin, t. II, p. 94). On peut toutefois se demander si Delacroix ne fait pas plutôt allusion ici à une Descente de croix, commandée par l’Etat à Lassalle-Bordes en 1842 et achevée en 1843.
4 La chapelle de l’église Saint-Denys du Saint-Sacrement pour laquelle Delacroix avait reçu en juin 1840 la commande d’une grande composition. Delacroix y exécuta en 1843-1844 avec l’aide de Lassalle-Bordes une Pietà
ou Lamentation sur le Christ mort.
5 "Il avait cherché l’agencement de ces divers groupes sur une petite coupole de bois, d’un diamètre de 70 centimètres, et dans les mêmes proportions relatives que la coupole [de la bibliothèque du palais du Luxembourg]." Lettre de Gustave Lassalle-Bordes à Philippe Burty du 16 septembre 1880, conservée au Cabinet des Estampes de la Bibliothèque nationale de France. La lettre est citée dans Anne Larrue, "Delacroix et ses élèves d’après un manuscrit inédit", Romantisme, 93, 1996, p. 10.

Transcription originale

Page 1

Monsieur Lassalle Bordes
Peintre.
rue du four 60.
a Paris

Page 2

28 mars Lundi
1841 1842

 

Je vous reponds mon cher
Lasalle aussitôt votre lettre reçue et
la date vous montrera qu’elle a tardé
à m’arriver à cause de l’adresse qui etait
très vague. J’ai eu plus d’une fois l’envie
de vous ecrire et je ne l’ai point fait parce-
-que je restais ici en quelque sorte au jour
le jour dans l’espoir du beau temps. Ma
santé est beaucoup meilleure : la voix est
toujours faible et il faudra du temps pour
la faire revenir complettement sans fatigue.
il faudra surtout de la chaleur. trois
jours de soleil que nous avons eu de suite
m’avait remis entierement - depuis ce
mieux ne sait pas soutenu à cause d’un vent
très froid qui a regné ici. Cependant je ne
puis tarder plus que la fin de cette semaine,
sans que je puisse pourtant preciser le jour.

Je vous suis bien recon-

Page 3

-naissant de tous les sentiments d’affection
que vous me témoignez dans votre lettre et
je les apprecie bien, je vous assure. Ils sont
trop rares pour n’etre pas précieux et j’
espère
que ce sera un lien qui donnera de la
valeur à nos efforts à tous deux. / je
suis bien aise que vous comptiez avoir achevé
bientôt votre ebauche. j’espere à mon retour
que nous pourrons passer à la chapelle de
suite. j’aurais bien desiré aussi que nous
pussions en même temps mettre en train
le tracé de l’Hemicycle de la chbre des Pairs.
ma composition est arretée et sitot mon
arrivée je la tracerai sur le modele de
maniere à ce que d’ici à 15 jours on puisse
au moins faire quelque chose sur place
. J’aurais
desiré que ce travail put etre fait par Leger
auquel on pourrait adjoindre quelqu’un,
nonobstant les coups d’œil que vous pourriez
y donner de temps en temps
. De cette maniere

Page 4

il y aurait prise de possession et de plus
nous ferions detruire l’echaffaud quand
nous nous mettrions à la coupole. Nous
causerons de tout cela.

Je vous remercie beaucoup de ce que
vous faites pour l’atelier. J’irai regulierement
voir ces messieurs : mais pour ne pas compromettre
mes progrès en santé, je prendrai, je crois le
parti dans les premiers temps d’ecrire à
chacun au crayon mes observations sur
un papier qu’il aura prépare d’avance.
Je ne pas assez eté prevenu par le médecin
combien il etait important de peu parler. J’ai
eté reellement gueri il y a un mois et j’ai
abusé de ma voix la croyant tout a fait revenue.

Adieu mon cher Lasalle. conservez
vous bien aussi et croyez à ma bien
sincère amitié.

EugDelacroix

Vous seriez bien aimable en passant de
montrer cette lettre à ma bonne. Dites lui aussi
que je l’avertirai positivement du jour de mon
arrivée. — Je pensais que Mr. Pierret lui avait
donné de mes nouvelles —

Précédent | Suivant