Lettre à George Sand, 20 octobre 1851

  • Cote de la lettre ED-IN-1851-OCT-20-B
  • Auteur Eugène DELACROIX
  • Destinataire George SAND
  • Date 20 [Octobre] 18[51]
  • Lieux de conservation Paris, bibliothèque de l'INHA, collections Jacques Doucet
  • Éditions précédentes Joubin, Correspondance générale, 1936-38
    , t. III, p. 90-91. Alexandre, 2005, p. 187-188.
  • Enveloppe Non
  • Nombre de pages écrites 2
  • Présence d’un croquis Non
  • Dimension en cm 20,8x26,6
  • Cachet de cire Non
  • Nature du document Lettre Autographe Signée
  • Cote musée bibliothèque Ms. 236 pièce 59
  • Œuvre concernée Apollon vainqueur du serpent Python
    Salon de la Paix, Hôtel de Ville de Paris
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Transcription modernisée

Ce 20

Chère amie, j’ai fini l’Apollon1 et je le montre à mes amis et à mes ennemis ; mais quitter le terrain est impossible : comme cela prend un succès auquel je ne m’attendais pas, il faut que j’en tire parti, et tout de suite, pour la poursuite d’un autre objet qui serait également une place importante à décorer2. Je ne pourrai donc pas aller vous embrasser à Nohant ! Voyez s’il est possible d’avoir un plaisir complet ! Ce qui augmente mon regret, c’est qu’il y a eu – et il peut y avoir encore – des temps magnifiques et que je suis fatigué d’avoir eu le nez sur cette besogne depuis plus de six mois. Je voudrais bien surtout, chère amie, que vous soyez bien persuadée de ce regret quant à ce qui vous concerne, c’est-à-dire le plaisir de vous voir si différemment qu’à Paris, où nous ne pouvons nous accrocher qu’en passant. Voyez la drôle de race que celle des artistes : depuis plus d’un an3, pour ce tableau ou la préparation, je me suis donné bien plus de peine que n’en ont les forçats, car l’esprit était attelé avec le corps : tout cela pour que trente personnes à Paris en parlent deux jours ; à présent je n’aspire qu’à remonter à mon échelle, que j’ai maudite cent fois.

Vous êtes bien bonne ou c’est votre éditeur : j’ai reçu vos livraisons nouvelles4 et vous en remercie bien. Je vous embrasse en vous priant de me pardonner.

Eugène Delacroix


1 Apollon vainqueur du serpent Python, au plafond de la galerie d’Apollon du Louvre.
2 Delacroix reçoit en 1851 la commande du décor du salon de la Paix de l’Hôtel de ville de Paris.
3 La toile lui a été commandée le 8 mars 1850 et inaugurée les 16 et 17 octobre 1851.
4 Il s’agit des Oeuvres illustrées de George Sand, illustrées par Théodore Johannot (Joubin, t. III, p. 91).

 

Transcription originale

Page 1

Ce 20.

Chère amie j’ai fini l’apollon
et je le montre à mes amis et à
mes ennemis : mais quitter le
terrain est impossible : comme
cela prend un succès auquel je
ne m’attendais pas, il faut que
j’en tire parti et tout de suite pour
la poursuite d’un autre objet qui
serait également une place importante
à décorer. Je ne pourrai donc pas
aller vous embrasser à nohant ! Voyez
s’il est possible d’avoir un plaisir
complet. Ce qui augmente mon
regret c’est qu’il y a eu et il peut
y avoir encore des temps magnifiques et
que je suis fatigué d’avoir eu le nez
sur cette besogne depuis plus de six
mois. Je voudrais bien surtout, chère
amie que vous soyez bien persuadée de
ce regret quant à ce qui vous concerne,
c.a.d. [mot interlinéaire] le plaisir de vous voir si differemment

Page 2

qu’à Paris où nous ne pouvons
nous accrocher qu’en passant.
Voyez la drôle de race que celle
des artistes : depuis plus d’un an
pour ce tableau ou la préparation
je me suis donné bien plus de
peine que n’en ont les forçats, car
l’esprit était attelé avec le corps :
tout cela pour que trente personnes
à Paris en parlent deux jours :
à present je n’aspire qu’a remonter
à mon échelle que j’ai maudit
cent fois.

Vous etes bien bonne ou
c’est votre éditeur : j’ai reçu
vos livraisons nouvelles et vous
en remercie bien. Je vous embrasse
en vous priant de me pardonner

EugDelacroix

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