Lettre à Henriette de Verninac, 22 décembre 1819

  • Cote de la lettre ED-IN-1819-DEC-22-A
  • Auteur Eugène DELACROIX
  • Destinataire Henriette de VERNINAC
  • Date 22 Décembre 1819
  • Lieux de conservation Paris, bibliothèque de l'INHA, collections Jacques Doucet
  • Éditions précédentes Joubin, Correspondance générale, 1936-38
    , t. V, p. 15-17.
  • Enveloppe Non
  • Nombre de pages écrites 2
  • Présence d’un croquis Non
  • Dimension en cm 24,7x19,6
  • Cachet de cire Oui
  • Nature du document Lettre Autographe Signée
  • Cote musée bibliothèque Ms. 241 pièce 4
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Transcription modernisée

À Madame Verninac
Poste restante à Mansle.
Charente.

Mercredi 22 décembre 1819

Ma chère sœur,

Ne voilà t-il pas une sotte difficulté de ces Messieurs de la caisse des artisans parcequ’on a omis sur ton certificat de vie de mettre après : Dame A.F.H.V. Delacroix, née le etc. Je suis donc obligé de te le renvoyer afin que mon beau-frère qui a écrit le certificat intercale la date de ta naissance qui est à ce qu’il parait très nécessaire (et probablement il faudra que Fougerat1 signe la surcharge) : moi je croyais que l’essentiel était de vivre, pour toucher ; mais il parait que cela ne suffit pas : il faut encore être né, et il veulent en être bien sûrs. Donnes-leur donc ce plaisir et pourquoi tout cela : pour liarder un peu plus tard et gagner dix ou douze jours2.

J’ai vu déjà dans quelques boutiques de libraires si l’on avait con[nai]ssance du livre dont tu me demandes le prix. Aucun n’a encore [pu] l’indiquer. Je ne perds pas courage, j’espère que je saurai dans peu te rendre réponse.

Le cousin Jacquinot, le général3, est à Paris. Je me suis déjà présenté chez lui sans le trouver. Si tu avais quelque chose à lui faire dire, il faudrait te presser : car je crois que son départ est très prochain. Charles se conduit bien. M. Malleval paraît le distinguer véritablement et lui donne des preuves journelles de l’intérêt qu’il lui porte : j’espère qu’il fera une bonne année et qu’il méritera amplement le plaisir d’aller se reposer en vacances. Le pauvre habit noir que tu me connais est si mûr, que deux petits accidents ordinaires lui ont valu deux énormes accrocs : le pauvre serviteur n’est plus portable. J’en suis réduit à ma redingote qui n’est pas grand chose et l’habit vert commence à se porter trop souvent. J’ai commencé un petit noyau d’épargnes : mais on ne se figure pas ce que c’est que d’être seul et d’avoir tout à acheter. Médites quelque peu sur ces événements et vois ce que nous pourrions faire. J’ai déjà malheureusement manqué deux belles entreprises qui me promettaient un habit bleu magnifique à boutons de métal. J’ai reçu la lettre de mon beau-frère et la lettre de change. Tu me marqueras dans ta prochaine lettre quand il faudra t’expédier le vermicelle. Adieu ma chère sœur, je t’embrasse tendrement ainsi que mon beau-frère.

E. Delacroix

Si je touche ma rente avant la tienne je tâcherai de t’envoyer toujours ton livre de botanique. As-tu entendu parler de ces fameux piqueurs qui attaquent les femmes et quelquefois les hommes dans les rues de Paris?


1 Non identifié.
2 Alors qu’Henriette était partie de Paris pour s’installer dans la propriété de la Forêt de Boixe, Delacroix, vivant dans la capitale, s’occupait de gérer les affaires relatives à la succession de leur mère.
3 Jean-Baptiste-Nicolas Jacquinot ou Claude Jacquinot, cousins germains de Delacroix, tous deux militaires. Selon Joubin (t. V, p. 16), il serait ici question du premier. Nous pensons toutefois qu’il pourrait très bien s’agir de Claude, qui est alors général, alors que Jean-Baptiste-Nicolas, son frère, est colonel.

Transcription originale

Page 1

À Madame

Madame Verninac

Poste restante à

Mansle.

Charente.

Page 2

Mercredi 22 decembre 1819.

 

Ma chere sœur,

Ne voila t il pas une sotte difficulté de ces Messieurs de la caisse
des artisans parcequ’on a omis sur ton certificat de vie de mettre après :
Dame A.F.H.V. Delacroixnée le etc. Je suis donc oblige de te
le renvoyer afin que mon beau frère qui a ecrit le certificat intercalle
et probablement il faudra que Fougerat signe la surcharge [ligne interlinéaire]
la date de ta naissance qui est à ce qu’il parait très necessaire : moi je
croyais que l’essentiel etait de vivre, pour toucher ; mais il parait que
cela ne suffit pas : il faut encore être né, et il veulent en etre bien surs.
donnes leur donc ce plaisir et pourquoi tout cela : pour liarder un peu
plus tard et gagner dix ou douze jours.

J’ai vu déjà dans quelques boutiques de libraires si l’on avait con[nai]ssance
du livre [mot barré] dont tu me demandes le prix. aucun n’a encore [pu]
l’indiquer. Je ne perds pas courage, j’espere que je saurai dans peu te rendre
reponse.

Le cousin Jacquinot le general est à Paris. Je me suis déjà presenté chez
lui sans le trouver : Si tu avais quelque chose à lui faire dire, il faudrait
te presser : car je crois que son depart est très prochain. – Charles se conduit
bien. Mr. Malleval parait le distinguer veritablement et lui donne des preuves
journelles de l’interet qu’il lui porte : j’espère qu’il fera une bonne année et qu’il
meritera amplement le plaisir d’aller se reposer en Vacances. – Le pauvre habit
noir que tu me connais est si mûr, que deux petits accidents ordinaires, lui ont
valu deux enormes accrocs : le pauvre serviteur n’est plus portable. J’en suis
reduit à ma
redingotte qui n’est pas grand chose et l’habit vert commence à se porter for trop souvent.
J’ai [un mot barré] commence un petit noyau d’épargnes : mais on ne se figure pas ce que c’est que d’etre
seul et d’avoir tout a acheter. Medites quelque peu sur ces evenemens et vois ce que nous pourrions
faire. J’ai déjà [un mot interlinéaire] malheureusement manqué deux belles enterprises qui me promettaient un habit bleu
magnifique à boutons de metal. [plusieurs mots barrés] J’ai reçu la lettre
de mon beau frère et la lettre de change. tu me marqueras dans ta prochaine lettre quand il faudra t’expedier

[suite en vertical, marge gauche]

Le vermichel – adieu ma chere sœur je t’embrasse tendrement ainsi que mon beau frère.

E. Delacroix

Si je touche ma rente avant la tienne je tacherai de t’envoyer toujours ton livre de botanique. As tu entendu parler de ces
fameux piqueurs qui attaquent les femmes et quelquefois les hommes dans les rues de Paris?

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