Lettre à Henriette de Verninac, 26 juillet 1821

  • Cote de la lettre ED-IN-1821-JUIL-26-A
  • Auteur Eugène DELACROIX
  • Destinataire Henriette de VERNINAC
  • Date 26 Juillet 1821
  • Lieux de conservation Paris, bibliothèque de l'INHA, collections Jacques Doucet
  • Éditions précédentes Joubin, Correspondance générale, 1936-38
    , t. V, p. 90-91.
  • Enveloppe Non
  • Nombre de pages écrites 4
  • Présence d’un croquis Non
  • Dimension en cm 23,8x37,6
  • Cachet de cire Non
  • Nature du document Lettre Autographe Signée
  • Cote musée bibliothèque Ms. 241 pièce 35
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Transcription modernisée

À Madame Verninac
Poste restante
À Mansle. Charente.

[30 juillet]

Le 26 juillet 1821.

J’ai reçu ma chère soeur une lettre de mon beau-frère avec une lettre de change de 300 francs. Je ne pourrai suffire aux différentes destinations qu’il avait données à cet argent. Il y a eu des dépenses sur lesquelles nous ne comptions pas. Il a fallu à Charles 62 francs pour se faire recevoir bachelier ès lettres conformément aux désirs de son père ; de plus Mme Cazenave1, la dernière fois qu’elle a envoyé chercher le payement du loyer, a porté une somme de 23 francs 50 centimes, pour frais d’expédition du double de l’état des lieux qui a été fait entre nous. Il est vrai qu’avec les 28 francs qui restent de l’emploi de ces 300 francs envoyés plus récemment cela couvre une partie. J’ai vu M. Boilleau à propos du bail. Il m’a parlé des occasions qu’il avait trouvées pour un transport d’argent et dont il m’a dit avoir écrit à mon beau-frère. Il m’a invité dans la première lettre que je lui écrivais de le presser d’envoyer les interêts nécessaires à cette opération dans le cas où il serait decidé qu’on la ferait. Quand au bail, j’imagine, d’après ce qui m’a été dit chez M. Boilleau lui-même, qu’il est bien inutile de le faire par devant notaire. Ce serait des frais bien en pure perte pour les deux parties et ces pauvres demoiselles2 ne penseraient guère à chicaner. D’ailleurs il m’a dit qu’à la première et à la plus légère difficulté le bail pouvait être enregistré et les frais toujours à la charge des locataires. Voilà l’instant où Charles va partir : je ne négligerai rien pour qu’il ne soit point retardé. Je suis bien contrarié de ne pouvoir l’accompagner : mais j’ai trop de besogne que je ne puis négliger ; et je serais de plus bien flatté d’avoir le temps de faire quelque chose pour le Salon prochain3. Ces expositions se trouvent maintenant avec leurs délais éternels, à des époques si éloignées les unes des autres, qu’on a le temps de devenir vieillard dans l’intervalle, et il est bon de se faire un peu connaître s’il y a lieu. Tu ne me parles pas dans tes dernières lettres de ta santé ni de celle de mon beau-frère : tu ne me dis pas si son indisposition a ou n’a pas eu de suites. Tu passes également sous silence, le succès de ton remède de Leroy4. Je désire qu’il continue ses bons effets. Je crois qu’il a un puissant auxiliaire dans la vie que tu mènes à la campagne et au bon air.

Adieu, ma chère soeur, je t’embrasse de tout mon coeur ainsi que mon beau-frère.

E. Delacroix


1 Propriétaire de la maison de la rue de l’Université.
2 Les soeurs O’Fareill, souvent dites les anglaises, sous-locataires au 114, rue de l’Université.
3 Au Salon de 1822, Delacroix présente La Barque de Dante.
4
Médecin soignant Henriette. Delacroix le consulte en 1821 et le dépeint à demi-mot comme un charlatan (lettre du 14 avril 1821).

Transcription originale

Page 1

À Madame

Madame Verninac

Poste restante.

À Mansle.

Charente

[30 juillet]

Page 2

Le 26 juillet 1821 –

J’ai reçu ma chère soeur une lettre de mon beaufrère
avec une lettre de change de 300 fr. Je ne pourrai suffire aux
differentes destinations qu’il avait données à cet argent. Il y a eu
des depenses sur les quelles nous ne comptions pas. Il a fallu à
charles 62 # pour se faire recevoir bachelier es lettres conformement
aux desirs de son pere ; De plus Mde Cazenave, La derniere fois
qu’elle a envoyé chercher Le Payement du Loyer, a porté
une somme de 23#50c, pour frais d’expedition du double
de L’etat des Lieux qui a été fait entre nous. Il est vrai qu’avec
Les 28 fr. qui restent de L’emploi de ces 300 #. envoyés plus recemment
cela Couvre une partie. J’ai vu M. Boilleau qui à propos du
bail. Il m’a parlé des occasions qu’il avait trouvées pour un
transport d’argent et dont il m’a dit avoir ecrit à mon
beau frere. Il m’invite Il m’a invité dans La premiere lettre
que je lui ecrivais de Le presser d’envoyer Les interets necessaires
à cette operation dans Le Cas où il serait decidé qu’on la
ferait. – quand au bail, j’imagine, d’après ce qui m’a eté
dit chez M. Boilleau Lui même, qu’il est bien inutile de Le

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faire [un mot illisible barré] par devant notaire. Ce serait des frais bien
en pure perte pour Les deux parties et Ces pauvres demoiselles
ne penseraient guère à chicaner. D’ailleurs il m’a dit
qu’à La premiere et à La plus Legere difficulté Le
bail pouvait être enregistré et Les frais toujours à La
charge des Locataires - _ Voila L’instant où charles
va partir : je ne negligerai rien pour qu’il ne soit
point retardé. je suis bien Contrarié de ne pouvoir
L’accompagner : mais j’ai trop de besogne que je
ne puis negliger ; et je serais de plus bien flatté d’avoir
Le temps de faire quelquechose pour le Salon prochain.
Ces expositions se trouvent maintenant avec Leurs delais
eternels, à des epoques si eloignées Les unes des autres, qu’on
a le temps de devenir vieillard dans l’intervalle, et il
est bon de se faire un peu connaitre s’il y a lieu.
Tu ne me parle pas dans tes dernieres lettres de
ta santé ni de celle de mon beaufrere : tu ne me
dis pas si son indisposition a ou n’a pas eu de suites.

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Tu passes egalement sous silence, Le succès de ton remede
de Leroy. Je desire qu’il continue ses bons effets je crois
qu’il a un puissant auxiliaire dans La vie que tu mènes
à La Campagne et au bon air.

Adieu, Ma chère soeur, je t’embrasse de tout mon
Coeur ainsi que mon beau frère.

E. Delacroix

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