Lettre à Henriette de Verninac, 24 février 1820

  • Cote de la lettre ED-IN-1820-FEV-24-A
  • Auteur Eugène DELACROIX
  • Destinataire Henriette de VERNINAC
  • Date 24 Février 1820
  • Lieux de conservation Paris, bibliothèque de l'INHA, collections Jacques Doucet
  • Éditions précédentes Joubin, Correspondance générale, 1936-38
    , t. V, p. 26-28.
  • Enveloppe Non
  • Nombre de pages écrites 4
  • Présence d’un croquis Non
  • Dimension en cm 24,2x36,6
  • Cachet de cire Oui
  • Nature du document Lettre Autographe Signée
  • Cote musée bibliothèque Ms. 241 pièce 8
  • Données matérielles petit trou au feuillet gauche
Agrandir la page 1
Agrandir la page 2
Agrandir la page 3
Agrandir la page 4

Transcription modernisée

À Madame Verninac
Poste restante à Mansle
Charente

Le 24 février 1820

 

Je m’empresse de te communiquer les offres faites à l’instant pour l’appartement1. Il paraît convenir à la personne, mais elle désirerait avoir les deux petites pièces du second sur le jardin et alors elle donnerait 1400 francs du tout. Bien entendu que le sou pour livre n’y est pas compris. Je me souviens que dans le temps tu t’étais décidée à les donner pour en finir. Ici l’occasion n’est pas mauvaise, car le Monsieur consent à faire un bail et c’est le premier qui se trouve de cette humeur. Il y a plus. Comme il y a longtemps déjà qu’il a vu la maison et qu’il avait eu l’occasion d’aller chez Mme Cazenave2, il en sait le prix et pensait d’après cela à proposer à mon beau-frère de lui résigner son bail entier pour ce qui lui en reste encore à courir. Je ne pense pas que cela te convienne, mais enfin voila toujours ce qui en est. Il aurait pu louer sans ces deux chambres, si celles du troisième avaient été plus grandes ; mais elles sont en vérité bien petites. Il pourrait justement entrer au 1er juillet, [lacune] de façon qu’il n’y aurait aucune interruption. Voudrais-tu donc avoir la bonté de me faire connaître de suite tes résolutions à cet égard. Il désire avoir une réponse bientôt. Je te remercie beaucoup de m’indiquer qu’il peut y avoir un remède à ma fièvre dans un certain livre, mais tu ne m’en donnes pas le titre et cela n’est pas suffisant. Je souhaite fort qu’il me remette de nouveau sur pied. Je commence à m’ennuyer de ces frissons et de ces sueurs. Il n’y a pas à badiner avec la maigreur pour les gens de mon espèce : maigrir, pour eux, c’est disparaître ou tout au moins devenir transparent. Je t’écris par le plus beau soleil du monde. Le printemps semble de retour depuis hier : il ne me manque que des arbres. Décidément la crotte de Paris et son bruit et sa misère ne me conviennent pas. Dis-moi dans ta prochaine si tu te rappelles ce qu’était à Bordeaux un M. Lenoir de La Roche3. Un de mes camarades et amis4 se trouve en ce moment à Florence avec un de ses neveux qui dit m’avoir connu à Bordeaux quand j’étais bambin. Te rappelles-tu aussi le nom de Sallafons5 ? N’était-ce pas quelque receveur qui demeurait près de la préfecture et dont le fils venait polissonner avec moi dans le jardin.

Ton Charles n’a pas la fièvre. Il est grand, frais et bien portant. Ses deux professeurs6 sont très contents de lui, et la preuve qu’il travaille c’est qu’il a obtenu deux ou trois places extraordinaires pour sa force au commencement de l’année et le temps qu’il avait perdu en vacances. J’espère donc, d’après tout cela, te le rendre aussi sain et beaucoup plus savant que tu ne me l’as confié. Comme je t’écrivais ceci, j’ai reçu la visite du bon Attenot7 qui est toujours le même quoiqu’un peu vieilli, comme il arrive à chacun de nous. Il fait ses respectueux compliments à toi d’abord et puis il se recommande au souvenir de M. Albert et lui dit mille choses.

Adieu ma chère sœur ; porte toi bien au milieu de ta nature toute simple. Je me trouve bien peiné de passer ainsi une vie tout seul et confiné dans l’ordure. Je t’embrasse de tout mon cœur ainsi que mon beau-frère.

E. Delacroix

Je te recommande de penser à la pension du Lycée.


1 Il est ici question de l’hôtel d’Henriette et Raymond de Verninac au 114, rue de l’Université à Paris. Delacroix s’occupait d’en assurer la sous-location.
2 Propriétaire de l’hôtel de la rue de l’Université.
3 Non identifié.
4 Raymond Soulier, alors parti à Florence.
5 Non identifié.
6 Au Lycée impérial, où Charles de Verninac est scolarisé.
7 Ancien domestique de Victoire Œben, mère d’Eugène Delacroix.

Transcription originale

Page 1

À Madame

Madame Verninac

Poste restante.

A Mansle.

Charente

Page 2

Le 24 fevrier 1820

Je m’empresse de te communiquer les offres faites à
l’instant pour l’appartement. Il parait convenir à la personne :
mais elle desirerait avoir les deux petites pieces du second sur le
jardin et alors elle donnerait 1400 fr. du tout. Bien entendu
que le sou pour livre n’y est pas compris. Je me souviens que
dans le temps tu t’etais decidée à les donner pour en finir.
Ici l’occasion n’est pas mauvaise : car le Monsieur consent
à faire un bail et c’est le premier qui se trouve de cette humeur.
Il y a plus ; Il y a pl comme il y a longtemps deja qu’il
a vu la maison et qu’il avait eu l’occasion d’aller chez Mde
Cazenave, il en scait le prix et pensait d’après cela, à proposer
à mon beau frere de lui resigner son bail entier pour ce qui lui
en reste encore à courir. Je ne pense pas que cela te convienne :
mais enfin voila toujours ce qui en est. Il aurait pu louer, [un mot barré]
[un mot barré] sans ces 2 chambres, si celles du 3eme avaient ete plus grandes ;
mais elles sont en verité bien petites. Il pourrait justement entrer
au premier juillet, [lacune] de façon qu’il n’y aurait aucune
interruption. Voudrais tu donc avoir la bonté de me faire
connaître de suite tes resolutions à cet egard. Il desire avoir
une reponse bientot. – Je te remercie beaucoup de

Page 3

m’indiquer qu’il peut y avoir un remede à ma
fièvre dans un certain livre, mais tu ne m’en
donnes pas le titre et cela n’est pas suffisant. Je souhaite
fort qu’il me remette de nouveau sur pied. je commence
à m’ennuyer de ces frissons et de ces sueurs. Il n’y a pas
a badiner avec la maigreur pour les gens de mon espèce :
maigrir pour eux, c’est disparaitre ou tout au moins devenir
transparent - Je t’écris par le plus beau soleil du monde.
Le printemps semble de retour depuis hier : il ne me manque
que des arbres. decidement la crotte de Paris et son bruit
et sa misere ne me conviennent pas. – Dis moi dans ta
prochaine si tu te rappelle ce qu’était à Bordeaux un
Mr. Lenoir de La roche. un de mes camarades et amis, qui
se trouve en ce moment à Florence avec un de ses neveux
qui dit m’avoir Connu à Bordeaux quand j’etais bambin.
te rappelle tu aussi le nom de Sallafons; n’etait-ce pas
quelque receveur, qui demeurait près de la Prefecture et dont
le fils venait polissonner avec moi dans le jardin.

Ton Charles n’a pas la fievre. Il est grand, frais

Page 4

et bien portant Ses deux professeurs sont très contens de
lui, et la preuve qu’il travaille c’est qu’il a obtenu deux
ou trois places extraordinaires pour sa force au com-
-mencement de l’année et le temps qu’il avait perdu en
vacances. [Mot barré] J’espère donc d’après tout cela, te le rendre
aussi sain et beaucoup plus savant que tu ne me l’as
confié. – Comme je t’ecrivais ceci j’ai reçu la visite
du bon Attenot qui est toujours le meme quoiqu’un peu
vieilli, comme il arrive à chacun de nous. Il fait ses
respectueux compliments à toi d’abord et puis il se recommande
au souvenir de Mr Albert et lui dit Mille choses.

Adieu ma chere sœur ; porte toi bien au milieu de ta
nature toute simple. Je me trouve bien peiné de passer
ainsi une vie tout seul et confiné dans l’ordure.
Je t’embrasse de tout mon cœur ainsi que mon beau frere.

E. Delacroix

Je te recommande de penser à la pension du Lycée.

 

Précédent | Suivant