Lettre à Henriette de Verninac, 16 janvier 1822

  • Cote de la lettre ED-IN-1822-JAN-16-A
  • Auteur Eugène DELACROIX
  • Destinataire Henriette de VERNINAC
  • Date 16 Janvier 1822
  • Lieux de conservation Paris, bibliothèque de l'INHA, collections Jacques Doucet
  • Éditions précédentes Joubin, Correspondance générale, 1936-38
    , t. V, p. 103-105.
  • Enveloppe Non
  • Nombre de pages écrites 4
  • Présence d’un croquis Non
  • Dimension en cm 23,8x37,2
  • Cachet de cire Non
  • Nature du document Lettre Autographe Signée
  • Cote musée bibliothèque Ms. 241 pièce 42
  • Cachet de la poste [Cachet triangulaire rouge] P
  • Données matérielles Manque bordure droite
  • Œuvre concernée Barque de Dante (la)
Agrandir la page 1
Agrandir la page 2
Agrandir la page 3
Agrandir la page 4

Transcription modernisée

A Madame Verninac
Poste restante.
A Mansle.
Charente.

Le 16 janvier 1822.

Ma chère sœur,

Je commence par ordre de questions.

As-tu retiré les miniatures de Hall. Réponse : Mme Berton1 est en marché avec un amateur pour deux de ces miniatures. Ce qui m’a empêché de les retirer. Elle compte en avoir 80 francs. Me trouvant dans une gêne extrême par des motifs que je dirai plus bas, je te demanderai de me les prêter ou au moins une partie, puisque c’est de l’argent sur lequel tu ne comptais pas encore.

As-tu payé Mme Oudot2. Non : parce que je n’ai pas encore touché l’argent de ta rente. Je te renvoie ton certificat. On a fait de sottes difficultés sous prétexte que la date de ta naissance manque dans l’acte ainsi qu’ils l’ont écrit sur le dos. Tu le renverras donc le plus tôt possible. Mme Fortier se trouve dans le même cas.

La procuration du Général Jacquinot3 est partie depuis longtemps. J’ai fait des démarches pour les contributions. Elles sont encore pendantes. As-tu parlé à Mme Cazenave4 pour la maison. Comme je ne reçois l’argent des anglaises5 qu’aujourd’hui, je n’irai chez Mme Cazenave que demain. Je lui parlerai selon tes instructions.

J’ai vu François Verninac qui a fait une longue maladie. J’étais tout surpris de ne pas entendre parler de lui et sitôt que tu m’as donné avis de sa maladie, j’ai demandé à Monsieur Agnel6 son adresse et je l’ai vu.

Le sous-seing des anglaises n’ayant pas été définitivement terminé à cause d’une condition pour laquelle ces dames désiraient que j’eusse une autorisation de Mme Cazenave, et cette dernière n’étant pas à Paris, je te l’enverrai néanmoins. Mais à son tour, l’homme de confiance des anglaises chez qui la copie se trouvait n’étant pas là pour le moment je te l’enverrai le plus tôt possible.

Voilà toutes les questions que tu m’as faites. J’ai de plus reçu les 170 francs destinés à couvrir le renouvellement que j’ai fait de suite et pour lequel j’ai donné 132 francs 50. Ce sont 37 francs 50 qui me restent. J’en avais grand besoin. J’ai dépensé une soixantaine de francs pour me faire faire pantalon et gilet, choses indispensables pour moi et que je retardais toujours. J’ai des frais pour le tableau que je fais7 et l’on me tient toujours en suspens pour le paiement de mon autre8. Je désirerai vivement être couvert de la dépense que j’ai faite en habillement. Tu conçois mon embarras. Je ne puis avec ma pension, et nous en étions bien convenus, suffire aux dépenses d’habits et aux autres. Rappelle-toi que l’année dernière, sur quelques misérables gains que je fis, je sus me suffire à moi-même et me donner un habit et pantalon et fournitures de beaucoup d’espèces. Encore si Gut9 était payé de ce qu’il a fait je pourrais lui faire faire quelque chose. Mais je suis tout aussi embarrassé vis-à-vis de lui que tu peux l’être avec M. Oudot10. Ne sachant si dans la lettre que tu envoies à ce dernier, tu ne la fais pas compter d’une manière trop prochaine sur ta rente, je n’ose lui envoyer ta lettre avant que tu ne m’aies répondu à ce sujet. Quand à moi je ne puis le payer que quand j’aurai touché l’argent qui m’est dû. J’ai commencé un tableau7. Le Salon est très voisin. Je compte là dessus pour me faire un peu connaître et obtenir des travaux. Si tu savais à quel point je suis pressé, tu ne me reprocherai pas ma négligence, ce que tu as pu faire à tort puisque toutes tes commissions ont été faites tant que [j’ai] pu. Je m’occupe depuis hier de l’envoi que tu me demandes. Sois assurée que j’y mettrai toute la célérité possible. Je me regarderai comme véritablement coupable si j’y manquais.

Adieu ma chère soeur, je t’embrasse tendrement ainsi que Charles et mon beau-frère à qui je m’afflige beaucoup de ne pas voir une meilleure santé.

E. Delacroix


1 Non identifiée
2 Marchande lingère.
3 Jean-Baptiste-Nicolas Jacquinot ou Claude Jacquinot, cousins germains de Delacroix, tous deux militaires. Selon Joubin (t. V, p. 16), il serait ici question du premier. Nous pensons toutefois qu’il pourrait très bien s’agir de Claude, qui est alors général, alors que Jean-Baptiste-Nicolas, son frère, est colonel.
4 Mme Cazenave est propriétaire de l’immeuble au 114 rue de l’Université, où se trouvait les appartements que Delacroix s’occupait de sous-louer pour Henriette et Raymond de Verninac.
5
Les soeurs O’Fareill, sous-locataires au 114, rue de l’Université.
6 Non identifié.
7 La Barque de Dante.
8 Delacroix fait vraisemblablement allusion à La Vierge du Sacré-Coeur, exécutée pour le compte de Géricault et aujourd’hui conservée dans la cathédrale d’Ajaccio (Corse-du-Sud). Voir aussi les lettres du 28 juillet 1820, 12 août 1820, 25 janvier 1821, 14 avril 1821, 18 juin 1821 et 8 décembre 1821.
9 Le tailleur de Delacroix.
10 Le mari de la marchande lingère

Transcription originale

Page 1

À Madame

Madame Verninac

Poste restante

À Mansle.

Charente.

Page 2

Le 16 janvier 1822.

Ma chere soeur,

Je commence par ordre de questions.
as tu retiré Les miniatures de Hall. (reponse. Mde Berton est en marché
avec un amateur pour deux de. ces miniatures. Ce qui m’a empeché de les
retirer. [plusieurs mots barrés illisibles] elle compte en avoir [4 mots interlinéaires] 80 fr. Me trouvant dans une
gêne extrême par des motifs que je dirai plus bas, je te demanderai de me les
prêter ou aumoins une partie, puisque c’est de l’argent sur lequel tu ne
Comptais pas encore. -
as tu Payé Mde Oudot – non : parce que je n’ai pas encore touché l’argent de ta
rente. Je te renvoye ton certificat. on a fait de sottes difficultés sous
pretexte que la date de ta naissance manque dans l’acte ainsi qu’ils l’ont
ecrit sur le dos. tu Le renverra donc le plustot possible.
Mde fortier se trouve dans le même cas
.La Procuration du Gal jacqui
not est partie depuis longtemps.
j’ai fait des démarches pour Les Contributions. Elles sont encore pendantes.
Co as tu parlé à Mde Cazenave pour la maison. Comme je ne reçois
l’argent des Anglaises qu’aujourd’hui, je n’irai chez Mde Cazenave que
Demain. Je lui parlerai selon tes instructions.
J’ai vu françois Verninac qui a fait une longue maladie. j’étais tout
surpris de ne pas entendre parler de lui et sitot que tu m’as donné
avis de sa maladie, j’ai demandé à Mr Agnel son adresse et je
l’ai vu.
Le sousseing des Anglaises n’ayant pas eté definitivement terminé
à cause d’une condition pour laquelle Ces dames desiraient que jeusse
une autorisation de Mde Cazenave, et cette derniere n’étant pas

Page 3

à Paris, je te l’enverrai neanmoins. Mais à son tour,
L’homme de Confiance des Anglaises chez qui la copie se
trouvait n’étant pas là pour le moment je te l’enverrai
le plutot possible. –

Voila toutes Les questions que tu m’as faites.
J’ai de plus reçu Les 170 #. destinés à couvrir Le
renouvellement que j’ai fait de suite et pour lequel j’ai
donné 170 # 132 50 – Ce sont 37. #50 qui me reste.
j’en avais grand besoin. j’ai depensé une soixantaine de francs
pour me faire faire Pantalon et gilet choses indispensables
pour moi et que je retardais toujours. Je s j’ai des frais pour
le tableau que je fais et L’on me tient toujours en suspens
pour le payement de mon autre [mot barré illisible] je desirerai vivement
être Couvert de la depense que j’ai faite en habillement.
Tu Conçois mon embarras. je ne puis avec ma pension et
Nous en [un mot interlinéaire] étions bien convenus suffire aux depenses d’habits et aux
autres. Rapelle toi que L’année derniere, sur quelques miserables
gains que je fis, je scus me suffire à moi même et me donner
un habit et pantalon et fournitures de beaucoup d’espèces.
Encore si Gut etait payé de ce qu’il a fait il pourrait je pourrais
lui dem faire faire quelquechose. Mais je suis tout aussi

Page 4

embarassé vis à vis de lui que tu peux l’être avec
M. Oudot. Ne sachant si dans la lettre que tu envoyes à
Ce dernier, tu ne la fais pas compter d’une manière
trop prochaine sur ta rente, je n’ose lui envoyer ta
lettre avant que tu ne m’aies repondu à ce sujet. quand à
moi je ne puis le payer que quand j’aurai touché l’argent qui
m’est du. j’ai commencé un tableau. Le salon est très voisin
je Compte la dessus pour me faire un peu connaitre et
obtenir des travaux. si tu savais à quel point je suis pressé, tu
ne me reprocherai pas ma negligence, ce que tu as pu faire
à tort puisque toutes tes Commissions ont été faites tant que [j’ai]
pu. Je m’occupe depuis hier de l’envoi que tu me demandes. sois assuré
que j’y mettrai toute la celerite possible [2 mots barrés illisibles] je me regarderai
comme veritablement Coupable si j’y manquais.

Adieu ma chère soeur je t’embrasse tendrement ainsi que
Charles et mon beaufrère à qui je m’afflige beaucoup de ne
pas voir une meilleure santé.

E. delacroix

Précédent | Suivant