Lettre à Henriette de Verninac, 28 juillet 1820

  • Cote de la lettre ED-IN-1820-JUIL-28-A
  • Auteur Eugène DELACROIX
  • Destinataire Henriette de VERNINAC
  • Date 28 Juillet 1820
  • Lieux de conservation Paris, bibliothèque de l'INHA, collections Jacques Doucet
  • Éditions précédentes Joubin, Correspondance générale, 1936-38
    , t. V, p. 61-64.
  • Enveloppe Non
  • Nombre de pages écrites 4
  • Présence d’un croquis Non
  • Dimension en cm 24,2x36,6
  • Cachet de cire Non
  • Nature du document Lettre Autographe Signée
  • Cote musée bibliothèque Ms. 241 pièce 19
  • Données matérielles grosse lacune partie inférieure du feuillet droit et trou bordure droite
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Transcription modernisée

À Madame
Madame Verninac
Poste restante
à Mansle.
Charente. –

Ce 28 juillet. 1820.

 

Je ne sais, ma chère sœur, comment diviser ma lettre, afin d’y classer dans un ordre clair et lucide ce que j’ai à te dire. Si je
suis resté si longtemps sans t’écrire la faute en est à mon oncle, qui me fait attendre éternellement le compte de ce qui reste du aux ouvriers que je lui demande assidûment. Il faut bien encore s’en passer pour cette fois-ci. Il met à ordonner, copier et parapher tout cela, une importance fort louable, mais assez ennuyeuse. J’espère te l’envoyer au plutôt.

Je me suis informé du prix de la diligence : c’est de 55fr jusqu’à Angoulème ce qui est moins cher que l’année dernière. Je joins ici une lettre qui est venu ici à ton adresse. Je t’en rendrais bien tout simplement compte ; mais je n’ai pu parvenir à lire la signature. Tu verras ce que cela veut dire. Mr Verninac de Marseille est arrivé ici depuis trois ou quatre jours avec Zélie1, qui est maintenant une véritable demoiselle. Elle n’est point grandie : mais elle est plus formée. Sa tête aussi est devenue plus prononcée. Ils ont été hier voir leurs enfants à Juily : Ils ne pouvaient reconnaître Charles tant il est grandi. Ce cher enfant est dans le feu de ses compositions. Je suis surpris que sa note ne soit pas satisfaisante. Le proviseur ne m’en dit pas de mal : il a bien par-ci par-là quelques petites punitions : mais ce n’est pas grand-chose. Il n’aura probablement pas de prix : mais il n’en n’aura pas moins je crois profité de son année. Il est à un âge où on sent l’agrément de l’étude ; et je crois qu’il l’aime.

J’ai porté chez Mr Agnel2 l’effet de 150 fr. que j’ai reçu en bonne santé. J’ai également porté à Mr Lacan, la lettre de mon beau-frère et j’y ai signé le pouvoir que Mr Lacan à fait faire.

Il vient de m’arriver une commande qui pourra me rapporter de l’argent. C’est un tableau pour un évêque de Nantes. Je ne scais pas encore la somme : mais ce sera bien payé. Cela pourrait peut-être m’empêcher de partir aussi vite que je l’aurai voulu avec Charles ; que parce qu’il faut, non pas avoir fait le tableau d’ici là ; mais en avoir fait des esquisses peintes et des ébauches pour les soumettre au dit évêque3. Cependant je crois pouvoir m’en débarrasser à temps. Une autre chose que je veux te dire aussi, c’est que je désirerais aller voir mon frère à mon passage à Tours. Tu sens que je ne puis passer si près de lui sans le faire. Si ton intention n’est pas que Charles y vienne avec moi, il y aurait quelque chose de plus que désobligeant, à le laisser à l’auberge pour m’en aller voir mon frère. Je suis bien affligé des tristes affaires qui éloignent ainsi les familles. Je conçois tes raisons pour ne pas vouloir que Charles s’y trouve. Je serais bien fâché aussi de ne pas faire la route avec lui. Du reste, il est un homme maintenant et il figurera tout seul [2 mots interl.] dans une diligence, aussi bien que le peintre son oncle. Il a l’air beaucoup plus raisonnable que moi – vois un peu comment tu veux arranger cela. Ce qui me tiendrait du temps à Paris, c’est qu’il faut faire voyager ces peintures, jusqu’à Nantes afin de savoir si elles conviend[raient] à celui qui les commande. Enfin nous n’y sommes pas encore, nous partons d’ici là.

J’ai été obligé de dépenser bien de l’argent pour me remonter un peu. J’ai grand besoin de cette façon de surplus. Je me suis acheté un chapeau : tout cela m’a réduit à de dures affaires4.

Adieu ma chère sœur, je t’embrasse tendrement ainsi que mon beau-frère. – E. Delacroix



1 Fille aînée de François-Charles de Verninac-Laqueygues.
2 Non identifié.
3 Probablement La Vierge du Sacré-Coeur, tableau commandé pour la cathédrale de Nantes à Géricault à la fin de 1799 et confié par celui-ci à Delacroix. L’œuvre achevée en 1821 est aujourd’hui conservée dans la cathédrale d’Ajaccio (Jobert, p. 62). Voir aussi les lettres à Henriette de Verninac des 12 août 1820, 25 janvier 1821,   14 avril 1821, 18 juin 1821, 8 décembre 1821 et 16 janvier 1822.
4 Dans son carnet de comptes, il note au 10 août 1820 devoir 20 francs à son ami Soulier pour l’achat de ce chapeau (Journal, éd. Hannoosh, t. II, p. 1438).

 

 

Transcription originale

Page 1

À Madame
Madame Verninac
Poste restante
à Mansle.
Charente. –

 

Page 2

Ce 28 juillet. 1820.

 

Je ne scais, ma chère sœur, comment diviser ma lettre, afin
d’y classer dans un ordre clair et lucide ce que j’ai à te dire. Si je
suis resté si longtemps sans t’ecrire la faute en est à mon oncle, qui
me fait attendre eternellement le compte de ce qui reste du aux ouvriers
que je lui demande assidument. Il faut bien encore s’en passer pour
cette fois ci. Il met à ordonner, copier et parapher tout cela, une im-
-portance fort louable, mais assez ennuyeuse. J’espere te l’envoyer au plutôt.

Je me suis informé du prix de la diligence : c’est de 55# jusqu’à Angoulème ce qui est moins cher que l’année derniere.
[mot barré] Je joins ici une lettre qui est venu ici a ton
adresse. je t’en rendrais bien tout simplement compte ; mais je
n’ai pu parvenir à lire la signature. tu verras ce que cela veut dire.
Mr. Verninac de Marseille est arrivé ici depuis trois ou quatre
jours avec Zelie, qui est maintenant une veritable demoiselle.
Elle n’est point grandie : mais elle est plus formée. Sa tête aussi
est devenue plus prononcée. Ils ont été hier voir leurs enfants
à Juily : Ils ne pouvaient reconnaitre Charles tant il est
grandi. Ce cher enfant est dans le feu de ses compositions. je
suis surpris que sa note ne soit pas satisfaisante. Le proviseur
ne m’en dit pas de mal : il a bien parci par là quelques petites
punitions : mais ce n’est pas grand-chose. Il n’aura probablement

 

Page 3

pas de prix : mais il n’en n’aura pas moins je crois
profité de son année. Il est à un age où on sent l’agrement
de l’étude ; et je crois qu’il l’aime.

J’ai porté chez Mr. agnel l’effet de 150 fr. que j’ai
reçu en bonne santé. J’ai egalement porté à Mr. Lacan, la
lettre de mon beau frère et j’y ai signé le pouvoir que
Mr Lacan à fait faire.

Il vient de m’arriver une commande qui pourra me
rapporter de l’argent. C’est un tableau pour un eveque de
Nantes. Je ne scais pas encore la somme : mais ce sera Bien
payé. Cela pourrait peut-etre m’empecher de partir aussi
vite que je l’aurai voulu avec charles ; que parcequ’il faut,
non pas avoir fait le tableau d’ici là ; mais en avoir fait
des esquisses peintes et des ebauches pour les soumettre au
dit évèque. Cependant je crois pouvoir m’en debarasser à temps.
Une autre chose que je veux te dire aussi, c’est que je desirerais
aller voir mon frère à mon passage à tours. Tu sens que je
ne puis passer si près de lui sans le faire. Si ton intention n’est
pas que Charles y vienne avec moi, il y aurait quelque chose
de plus que désobligeant, à le laisser à l’auberge pour m’en aller
voir mon frère. Je suis bien affligé des tristes affaires qui eloignent
ainsi les familles. Je conçois tes raison pour ne pas vouloir que
Charles s’y trouve. Je serais bien faché aussi de ne pas faire la route
avec lui. Du reste, il est un homme maintenant et il figurera

 

Page 4

tout seul [2 mots interl.] dans une diligence, aussi bien que le peintre son oncle. Il a l’air
beaucoup plus raisonnable que moi – vois un peu comment tu veux
arranger cela. Ce qui me tiendrait du temps à Paris, c’est qu’il faut
faire voyager ces peintures, jusqu’à Nantes afin de savoir si elles conviend[illisible]
à celui qui les commande. Enfin nous n’y sommes pas encore, nous partons d’ici là.

J’ai été obligé de dépenser bien de l’argent pour me remonter
un peu. J’ai grand besoin de cette açon de surplus. Je me suis acheté
un chapeau : tout cela m’a reduit à de dures affaires..

Adieu ma chere sœur, je t’embrasse tendrement ainsi que
mon beau frere. – E. Delacroix

 

 

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