Lettre à Henriette de Verninac, 25 janvier 1821

  • Cote de la lettre ED-IN-1821-JAN-25-A
  • Auteur Eugène DELACROIX
  • Destinataire Henriette de VERNINAC
  • Date 25 Janvier 1821
  • Lieux de conservation Paris, bibliothèque de l'INHA, collections Jacques Doucet
  • Éditions précédentes Joubin, Correspondance générale, 1936-38
    , t. V, p. 69-71.
  • Enveloppe Non
  • Nombre de pages écrites 4
  • Présence d’un croquis Non
  • Dimension en cm 24,2x36,4
  • Cachet de cire Non
  • Nature du document Lettre Autographe non Signée
  • Cote musée bibliothèque Ms. 241 pièce 25
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Transcription modernisée

27 janvier [au-dessus de l’adresse, dans le sens inverse]

à Madame
Madame Verninac
Poste restante
à Mansle,
Charente.

 

Le 25 janvier 18211

Ma chère sœur,

Tes graines ont été recommandées avec empressement comme tu me l’avais demandé2. Mais elles ne seront pas délivrées avant quelque temps d’ici. Le temps n’était point passé, et elles te seront données en même temps qu’à toutes autres personnes. Ainsi, tu ne pourras les avoir en même temps que les autres choses que tu demandes à la cousine, à moins que tu ne veuilles attendre. Je t’écris surtout cette lettre pour te donner avis que le maçon est venu hier au matin me demander son argent. Il avait été déjà chez mon oncle qui, comme de raison, me l’a renvoyé. Il m’a fallu inventer toutes sortes de raisons, le tout aussi désagréable pour lui que pour moi. Tu m’objecteras que mon oncle n’a point encore envoyé les comptes des ouvriers, déduction faite de ce qui leur a été payé. Je vais donc le presser pour cet envoi. Mais pour le maçon, il lui est dû encore 80 fr. Il doit revenir avant deux semaines d’ici ; il voulait même me relancer encore dans huit jours et je lui ai représenté que j’avais à peine dans cet intervalle le temps de t’écrire. Envoie donc cette somme, je te supplie. Le peintre étant aussi venu, il y a peu de temps, me faire une scène aussi peu flatteuse ; il a fini par me demander ton adresse.

Le poêle de la portière avait besoin d’être nettoyé. Il s’est trouvé que ton poêlier y avait mis des tuyaux fort mauvais dont plusieurs sont crevés d’un bout à l’autre et hors de service. Un autre est venu pour les réparer. Il m’a porté sa note qui s’élevait à 7 fr. Je lui ai dit que je le payerais quand on se serait assuré que l’ouvrage était bien conditionné, et je compte lui rogner quelque chose. Tu voudras donc bien envoyer cet argent en même temps que le mien et celui du maçon. Je suis fort gêné moi-même. Ma fièvre qui m’a obligé de me tenir presque constamment à la maison me nécessite un nouvel achat de bois. L’achèvement de mon tableau 3 me force aussi à cette dépense ainsi qu’à une foule d’autres pour les modèles, etc. Tu as vu ce que m’avait coûté ma guérison et je t’ai parlé précédemment de l’argent que je devais ici et qu’il m’a fallu payer. C’était pour reste de mémoire de tailleur, pour un chapeau, etc., toutes choses ordinairement payés hors de ma pension de chaque mois. Tout cela est triste et fatigant pour nous deux. Espérons-en de plus agréables sujets de conversation pour nos lettres.

J’ai oublié je crois de te faire mention de la réception de l’argent pour le pâté. Mais comme j’ai brûlé par mégarde une de tes lettres où tu m’en faisais le détail, je ne me rappelle pas précisément la somme entière. Je sais qu’elle allait au-delà de 400 fr. et qu’elle a suffi juste aux dépenses qu’elle embrassait ; il y a pourtant je crois encore en caisse une somme de 5 sous.

Adieu ma chère sœur ; j’espère que l’arrivée de bonnes graines bien rares et choisies te consolera un peu de tous ces contretemps d’argent. Il y a un peu de temps que je n’ai v[u] Charles : je compte y aller ces jours-ci.

Je t’embrasse tendrement ainsi que mon beau-frère.

 


1 Joubin date cette lettre du 29 janvier 1821 à la suite d’une mauvaise lecture des chiffres.
2 Au sujet des graines, voir aussi la lettre du 16 janvier 1821, note 1.
3 Probablement La Vierge du Sacré-Coeur, tableau commandé pour la cathédrale de Nantes à Géricault à la fin de 1799 et confié par celui-ci à Delacroix. L’œuvre achevée en 1821 est aujourd’hui conservée dans la cathédrale d’Ajaccio (Jobert, p. 62). Voir aussi les lettres à Henriette de Verninac des 28 juillet 1820, 12 août 1820 14 avril 1821, 18 juin 1821, 8 décembre 1821 et 16 janvier 1822.

 

 

Transcription originale

Page 1

27 Jer [en haut, au-dessus de l’adresse, dans le sens inverse]

à Madame
Madame Verninac
Poste restante
à Mansle
Charente.

 

 

Page 2

 

le 25 janvier 1821

 

Ma chere sœur,

tes graines ont eté recommandées avec empressement comme
tu me l’avais demandé. [2 mots barrés illisibles] Mais elles ne seront pas delivrées
avant quelque temps d’ici. Le temps n’etait point passé, [1 mot barré illisible]
et elles te seront données en meme temps qu’à toutes autres
personnes. ainsi tu ne pourras les avoir en meme temps
que les autres choses que tu demandes à la cousine
À moins que tu ne veuilles attendre. _ Je t’écris surtout
cette lettre pour te donner avis que le maçon est venu
hier au matin me demander son argent. Il avait eté deja
chez mon oncle qui comme de raison me l’a renvoyé.
Il m’a fallu inventer toutes sortes de raisons, le tout aussi
desagreable pour lui que pour moi. Je Tu m’objecteras que
mon oncle n’a point encore envoyé les comptes des ouvriers,
deduction faite de ce qui leur a eté payé. je vais donc le
presser pour cet envoi mais pour le maçon, il lui est du
encore 80 fr. Il doit revenir avant deux semaines d’ici : il voulait
meme me relancer encore dans 8 jours et je lui ai representé que
j’avais a peine dans cet intervalle le temps de t’ecrire. Envoyes
donc cette somme, je te supplie. [2 mots barrés illisibles] Le peintre etant aussi

 

Page 3

venu, il y a peu de temps, me faire une scène aussi peu
flatteuse. il a fini par me demander ton adresse.

J’ai encore Le poêle de la portière avait besoin d’etre
netoyé. il s’est trouvé que ton poelier y avait mis des
tuyaux fort mauvais dont plusieurs sont crevés d’un
bout à l’autre et hors de service. Un autre est venu
pour les reparer. il m’a porté sa note qui s’elevait à
7 fr. je l je lui ai dit que je le payerais quand on se
serait assuré que l’ouvrage etait bien conditionné, et je
compte lui rogner quelque chose. Tu voudras donc bien
envoyer cet argent en meme temps que le mien et celui du
maçon. Je suis fort gené moi-même. Ma fievre qui m’a obligé
de me tenir presque constament à la maison me necessite un
nouvel achat de bois. L’achevement de mon tableau me
force aussi à cette depense ainsi qu’à une foule d’autres
pour les modèles & Tu as vu ce que m’avait couté ma
guerison et je t’ai parlé precedement de l’argent que
je devais ici et qu’il m’a fallu payer. C’etait pour reste
de memoire de tailleur, pour un chapeau &. toutes choses
ordinnairement payés hors de ma pension de chaque mois.
[plusieurs mots raturés illisibles] Tout cela est triste et fatigant pour

 

Page 4

nous deux. Esperons en de plus agreables sujets de conversation
pour nos lettres. _ [2 mots raturés illisibles] j’ai oublié je crois de te faire
mention de la reception de l’argent pour le pâté. mais comme
j’ai brûlé par mégarde une de tes lettres ou tu m’en fesais le
detail je ne me rappelle pas precisement la somme entière. je sais
qu’elle allait au dela de 400.# et qu’elle a suffi juste aux
depenses qu’elle embrassait ; _ il y a pourtant je crois encore en
caisse une somme de 5 sous.

adieu ma chère sœur ; j’espere que l’arrivée de bonnes
graines bien rares et choisies te Consolera un peu de tous ces
contre temps d’argent. Il y a un peu de temps que je n’ai v[u]
Charles : je compte y aller ces jours ci.

je t’embrasse tendrement ainsi que
mon beaufrère.

 

 

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