Lettre à Pierre-Antoine Berryer, 11 mai 1856

  • Cote de la lettre ED-MD-1856-MAI-11-A
  • Auteur Eugène DELACROIX
  • Destinataire Pierre-Antoine BERRYER
  • Date 11 Mai 18[56]
  • Lieux de conservation Paris, musée Eugène Delacroix
  • Éditions précédentes -
    , inédite.
  • Historique Acquise par le service des bibliothèques et des archives des musées nationaux avec la participation de la Société des Amis d’Eugène Delacroix auprès de la librairie Les Autographes, février 1992.
  • Enveloppe Non
  • Nombre de pages écrites 2
  • Présence d’un croquis Non
  • Format in - 8°
  • Dimension en cm 20,7x27,1
  • Cachet de cire Non
  • Nature du document Lettre Autographe Signée
  • Cote musée bibliothèque LA 31631/43
  • Données matérielles pliée en 3
  • Œuvre concernée Chapelle des Saints-Anges, église de Saint-Sulpice
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Transcription modernisée

 

Ce 11 mai.

Mon cher cousin,

Je suis forcé de vous refuser, jugez de mon chagrin. Je suis dans un entrain de travail que je ne puis interrompre. Je travaille concurremment chez moi et à mon église : ce dernier travail, surtout celui du tracé de mon plafond pour lequel j’ai des hommes embrigadés, ne peut se quitter1. Pour comble de malheur je me porte très bien, ce qui m’ôte la possibilité d’aller vous trouver sous prétexte de santé, si je n’y étais pas porté par tant de côtés comme vous n’en doutez pas. Je pourrais peut-être quitter à la fin du mois pour me reposer à la campagne2 : mais il faudrait que je vinsse tous les deux jours à Paris pour voir la besogne qu’on me fait. Ainsi le malheur est complet. Ne m’en voulez pas au point de ne pas me plaindre et excusez moi auprès de l’aimable société que vous avez près de vous en présentant de ma part mille hommages et regrets. J’ai chaînes sur chaînes. Ce mois prochain, mon vieux cousin de Strasbourg, le même qui a perdu il y a trois mois sa femme, ma cousine germaine que j’ai tant regrettée, se fera amener à Paris et il faudra bien s’occuper de lui3.

Adieu, mon cher cousin. C’est vous au moins qui êtes en première ligne dans mon regret et à qui j’envoie mille assurances de mon affectueux dévouement.

Eug. Delacroix


1 Delacroix avait été chargé en 1849 de décorer la chapelle des Saints-Anges à l’église Saint-Sulpice. Il y a travailla surtout à partir de 1854, aidé par Pierre Andrieu (1821 ou 1823-1892) et Louis Boulangé (18121878). Delacroix avait choisi de représenter sur les murs, La Lutte de Jacob avec l’Ange et Héliodore chassé du temple, et au plafond, Saint-Michel terrassant le démon.
2 Du 17 au 26 mai 1856, Delacroix fit en effet un petit séjour à Champrosay, près de la forêt de Sénart, où il louait depuis 1852 une maison appartenant à Nicolas Rabier.
3 Guillaume-Auguste Lamey. Sa femme, Alexandrine-Marie-Henriette, née Pascot, cousine germaine de Delacroix du côté maternel, était morte le 3 février. Elle avait pris soin de Delacroix après la mort de Victoire Delacroix en 1814. Auguste Lamey arriva à Paris le 8 juillet et en repartit le 22 juillet.

 

 

Transcription originale

Page 1

 

Ce 11 mai.

Mon cher cousin,

Je suis forcé de vous refuser,
jugez de mon chagrin. Je suis dans
un entrain de travail que je ne
puis interrompre : je travaille concur-
-rament chez moi et à mon église :
ce dernier travail surtout celui
du tracé de mon plafond pour lequel
j’ai des hommes enbrigadés ne peut
se quitter. Pour comble de malheur
je me porte très bien, ce qui m’ote la
possibilité d’aller vous trouver sous
pretexte de santé, si je n’y etais pas
porté par tant de cotés comme vous
n’en doutez pas. Je pourrais peut être
quitter à la fin du mois pour me reposer
à la campagne : mais il faudrait que

 

Page 2

 

je vinsse tous les deux jours à Paris [2 mots interlinéaires] pour
voir la besogne qu’on me fait. ainsi
le malheur est complet. Ne m’en
voulez pas au point de ne pas me
plaindre et excusez moi auprès
de l’aimable societé que vous avez
près de vous en presentant de ma
part mille hommages et regrets.
J’ai chaines sur chaines. Ce mois
prochain mon vieux cousin de
Strasbourg, le même qui a perdu il
y a trois mois sa femme ma cousine
germaine que j’ai tant regrettée, se
fera amener à Paris et il faudra bien
s’occuper de lui.

Adieu mon cher cousin : c’est
vous au moins qui êtes en première ligne
dans mon regret et à qui j’envoie mille
assurances de mon affectueux devouement

Eug Delacroix

 

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