Lettre à Pierre-Antoine Berryer, 16 mars 1858

  • Cote de la lettre ED-MD-1858-MAR-16-A
  • Auteur Eugène DELACROIX
  • Destinataire Pierre-Antoine BERRYER
  • Date 16 Mars 1858
  • Lieux de conservation Paris, musée Eugène Delacroix
  • Éditions précédentes -
    , inédite.
  • Historique Acquise par le service des bibliothèques et des archives des musées nationaux avec la participation de la Société des Amis d’Eugène Delacroix auprès de la librairie Les Autographes, février 1992.
  • Enveloppe Non
  • Nombre de pages écrites 2
  • Présence d’un croquis Non
  • Format in - 8°
  • Dimension en cm 20,6x26,3
  • Cachet de cire Non
  • Nature du document Lettre Autographe Signée
  • Cote musée bibliothèque LA 31631/71
  • Données matérielles pliée en 3
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Transcription modernisée

Ce 16 mars 1858

Je vous réponds, mon cher cousin, au moment même où je reçois votre lettre1 et je n’ai que de mauvaises nouvelles à vous donner. Depuis une dizaine de jours, il m’a fallu poser le pinceau : l’estomac fatigué et un peu trop de travail m’ont rendu cet état fiévreux et languissant qui m’interdit toute occupation et la possibilité de me tenir sur mes jambes2. Au moment où le mal m’a pris, vos toiles n’étaient pas encore mises en état pour la retouche3 : elles le sont sans doute à présent, mais à mon grand désespoir je suis incapable d’y rien faire, ni à quoi que ce soit. Elles ont même cela de particulier que je ne pourrais guère y travailler que debout : mais de manière ou d’autre, je suis forcé de m’arrêter.

Bien chagrin de ce que vous me dites de votre santé, je ne peux pas plus vous aller voir que me mettre à ces toiles. J’ose espérer que votre tempérament robuste vous remettra promptement dans votre état habituel : chez moi, les malaises sont durables malheureusement .

Je vous écrirai d’ici à trois ou quatre jours s’il y a du changement dans mon état. J’en profiterais si cela était possible à votre intention.

J’ai mis la main sur le décorateur habile dont je vous avais parlé4. Je lui ai dit que je le priais de descendre des hauteurs où il s’est placé et de s’humaniser pour nous, c’est-à-dire de prendre le moins cher possible, ce qu’il fera j’espère. Il faudrait qu’il fît un voyage à Augerville5 pour donner son coup d’œil et là, il vous ferait un devis approximatif.

Mille et mille regrets et inutiles dévouements.

Eug. Delacroix


1 Berryer avait écrit à Delacroix le 15 mars (Paris, musée Eugène Delacroix, LA 31 631/70). Ayant été souffrant pendant près de dix jours, il comptait se rendre à Augerville une fois remis du violent accès de fièvre qui l’avait saisi à la gorge.
2 Delacroix note en effet dans son Journal, à la date du 15 mars : « Je suis souffrant depuis quelques jours de l’estomac ; je l’ai fatigué un peu peut-être, et de plus je travaille beaucoup depuis un mois et demi ». (Journal, éd. Hannoosh, t. II, p. 1228).
3 Deux toiles que Berryer avait confiées à un rentoileur recommandé par Delacroix (lettre de Berryer à Delacroix, 20 février 1858 ; Paris, musée Eugène Delacroix, LA 31 631/68).
4 Louis-Jean-Boulangé (Varzy (Marne), 1812 - id, 1878), élève et collaborateur de Delacroix à la chapelle des Saints-Anges à l’église Saint-Sulpice à Paris.
5 Augerville-la-Rivière, propriété de Berryer dans le Loiret où Delacroix se rendit à maintes reprises à partir de 1854.

 

 

Transcription originale

Page 1

Ce 16 mars 1858.

Je vous reponds, mon cher cousin,
au moment même où je recois votre
lettre et je n’ai que de mauvaises nouvelles
à vous donner. Depuis une dixaine de
jours il m’a fallu poser le pinceau : l’es-
-tomac fatigué et un peu trop de travail
m’ont rendu cet etat fievreux et
languissant qui m’interdit toute occu-
-pation et la possibilité de me tenir
sur mes jambes. au moment où le
mal m’a pris, vos toiles n’etaient pas
encore mises en etat pour la retouche : elles
le sont sans doute à présent, mais à
mon grand desespoir je suis incapable
d’y rien faire, ni à quoi que ce soit. Elles
ont même cela de particulier que je ne
pourrais gueres y travailler que debout :
mais de maniere ou d’autre je suis
forcé de m’arreter.

Bien chagrin de ce que vous

 

Page 2

me dites de votre santé, je ne peux
pas plus vous aller voir que me mettre
à ces toiles. J’ose esperer que votre
temperament robuste vous remettra
promptement dans votre etat habituel :
chez moi, les malaises sont durables
malheureusement.

Je vous ecrirai d’ici a trois
ou quatre jours s’il y a du changement
dans mon etat. j’en profiterais si cela
etait possible a votre intention.

J’ai mis la main sur le déco-
-rateur habile dont je vous avais parlé :
Je lui ai dit que je le priais de descendre
des hauteurs où il s’est placé et de
s’humaniser pour nous, c’est à dire de
prendre le moins cher possible, ce qu’il
fera j’espere. Il faudrait qu’il fit un
voyage à augerville pour donner son
coup d’œil et là il vous ferait un devis
approximatif.

Mille et mille regrets et
inutiles devouements.

Eug Delacroix

 

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