Lettre à Pierre-Antoine Berryer, 18 octobre 1858

  • Cote de la lettre ED-MD-1858-OCT-18-A
  • Auteur Eugène DELACROIX
  • Destinataire Pierre-Antoine BERRYER
  • Date 18 Octobre 1858
  • Lieux de conservation Paris, musée Eugène Delacroix
  • Éditions précédentes Lacombe, 1885, p. 57 (1 seul paragraphe); Joubin, Corr. gén, t. IV, p. 49 (idem).
  • Historique Acquise par le service des bibliothèques et des archives des musées nationaux avec la participation de la Société des Amis d’Eugène Delacroix auprès de la librairie Les Autographes, février 1992.
  • Enveloppe Non
  • Nombre de pages écrites 4
  • Présence d’un croquis Non
  • Format in - 8°
  • Dimension en cm 20,7x26,3
  • Cachet de cire Non
  • Nature du document Lettre Autographe Signée
  • Cote musée bibliothèque LA 31631/86
  • Données matérielles pliée en 3
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Transcription modernisée

Ce 18 oct. 1858

Mon cher cousin,

Je ne vous ai pas répondu tout de suite afin de calculer moi-même mon itinéraire d’après nos petites obligations. Je crois me rappeler (car j’ai dans ce moment égaré votre dernière lettre) que vous devez être à Augerville1 le 24 ou le 252, or je suis homme à vous arriver le 26 ou le 27 au plus tard et pour toutes sortes de raisons. Le temps paraît être dans une bonne veine et il fera sans doute un peu moins froid. Je voudrais aussi vous quitter vers le 10 de 9bre au plus tard. Mon arrangement avec mon entrepreneur porte qu’il doit me livrer ma construction3 le 15 : il est donc nécessaire que je sois là, non seulement pour voir s’il n’y a rien à reprendre, mais encore pour surveiller de petits terrassements qu’on ne peut diriger sans moi. Je m’adresse à un homme qui sait ce que c’est que les préoccupations de propriétaire, et me trouvant maintenant faire partie de ce corps respectable, il faut bien que j’aie ma part de soucis.

Si vous aviez changé vos projets, vous seriez assez bon pour m’en instruire afin que je sois en mesure de modifier les miens. Je serai à Paris jusqu’à samedi de cette semaine au soir, je passerai dimanche et lundi à Champrosay.

Je m’applaudis toujours d’avoir travaillé à ma chapelle. Ce travail si fatigant m’a, chose extraordinaire, donné des forces : il me fait sortir de chez moi par toutes sortes de temps, seulement je ne puis être le soir un homme de salon. Je dîne en sortant de là, c’est-à-dire à 4h. Je fais ensuite un somme de deux ou trois heures et je sors vers 10h du soir pour faire une ou deux lieues à pied dans les rues de Paris. Que dites-vous de ce singulier régime et qui me réussit ?

Le long séjour que vous faites à Vaufreland4 me donne la malheureuse certitude que nous n’aurons pas à Augerville la société de ces dames à qui je vous prie bien d’en exprimer mon vif regret. J’espère au moins que vous aurez trouvé dans votre séjour prolongé ce repos complet si nécessaire pour des cerveaux de votre trempe et si rare, hélas !5

Recevez, cher cousin, en attendant le plaisir de vous voir, mille tendresses les plus dévouées.

Eug. Delacroix


1 Augerville-la-Rivière, près de Malesherbes (Loiret) où Berryer avait une propriété. Delacroix s’y rendit à maintes reprises à partir de 1854.

2 Berryer avait écrit à Delacroix le 11 octobre pour l’informer qu’il serait de retour à Augerville le 23 ou le 24 octobre (Paris, musée Eugène Delacroix, LA 31631/85).

3 Delacroix avait acheté depuis peu la maison qu’il louait jusqu’alors à Champrosay à Nicolas Rabier. Il tenait à surveiller le bon déroulement des travaux qu’il avait confiés à Fabien-Charles Candas, entrepreneur de maçonnerie à Paris et fils du propriétaire de la ferme de l’Hôtel-Dieu à Champrosay où Delacroix loua quelques pièces à partir de 1844.

4 Le château de Vaufreland, dans le canton de Sancerre, propriété du vicomte Antoine-Louis-Fortuné de Vaufreland (1796-1875). Sa femme, née Athénaïs-Marie-Françoise Sanegon (1806-1883) était une amie de Berryer et venait souvent à Augerville.

5 Berryer répondit à Delacroix le 19 octobre : « Je viens de lire à Mad. de Vaufreland le très aimable passage de votre lettre et j’ai à vous dire de sa part les compliments les plus gracieux mélés du regret de ne pouvoir vous rencontrer à cette fin du mois dans Augerville (…). » (Paris, musée Eugène Delacroix, LA 31631/87).

 

Transcription originale

Page 1

Ce 18 oct. 1858.

Mon cher cousin

Je ne vous ai pas repondu
tout de suite afin de calculer
moi même mon itineraire d’après
nos petites obligations. je crois me
rappeler (car j’ai dans ce moment
egaré votre derniere lettre) que vous
devez être à Augerville le 24 ou le
25 : or je suis homme à vous arriver
Le 26 ou le 27 au plus tard et pour
toutes sortes de raisons : le temps parait
etre dans une bonne veine et il fera
sans doute un peu moins froid : je
voudrais aussi vous quitter vers le 10
de 9bre au plus tard : mon arrangement
avec mon entrepreneur porte qu’il doit
me livrer ma construction le 15 : il

 

Page 2

 

est donc nécessaire que je sois
là, non seulement pour voir s’il
n’y a rien à reprendre, mais encore
pour surveiller de petits terrasse-
-ments qu’on ne peut diriger sans
moi. Je m’adresse à un homme
qui scait ce que c’est que les préoccupa-
-tions de proprietaire, et me trouvant
maintenant faire partie de ce
corps respectable, il faut bien que
j’aie ma part de soucis.

Si vous aviez changé vos
projets vous seriez assez bon pour
m’en instruire afin que je sois
en mesure de modifier les miens.
Je serai à Paris jusqu’à Samedi
de cette semaine au soir : je passerai
dimanche et lundi à champrosay.

Je m’applaudis toujours d’avoir
travaillé à ma chapelle : ce travail

 

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si fatigant m’a, chose extraor-
-dinaire, donné des forces : il
me fait sortir de chez moi par
toutes sortes de temps : seulement
je ne puis etre le soir un homme
de salon : je dine en sortant de
la, c’est à dire à 4.h je fais ensuite
un somme de deux ou trois heures
et je sors vers 10.h du soir pour faire
une ou deux lieues à pied dans les
rues de Paris. que dites vous
de ce singulier regime et qui me
réussit ?

Le long sejour que vous faites à
Vaufreland me donne la malheu-
-reuse certitude que nous n’aurons
pas à Augerville la societé de ces
dames à qui je vous prie bien d’en
exprimer mon vif regret. J’espère
au moins que vous aurez trouvé dans

 

Page 4

 

votre sejour prolongé, ce repos
complet si nécessaire pour des
cerveaux de votre trempe et si
rare helas !

Recevez cher cousin en atten-
-dant le plaisir de vous voir mille
tendresses les plus devouées.

Eug Delacroix

 

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