Lettre à Pierre-Antoine Berryer, 02 mai 1860

  • Cote de la lettre ED-MD-1860-MAI-02-A
  • Auteur Eugène DELACROIX
  • Destinataire Pierre-Antoine BERRYER
  • Date 02 Mai 1860
  • Lieux de conservation Paris, musée Eugène Delacroix
  • Éditions précédentes -
    , inédite.
  • Historique Acquise par le service des bibliothèques et des archives des musées nationaux avec la participation de la Société des Amis d’Eugène Delacroix auprès la librairie Les Autographes, février 1992.
  • Enveloppe Non
  • Nombre de pages écrites 2
  • Présence d’un croquis Non
  • Format in - 8°
  • Dimension en cm 20,7x26,4
  • Cachet de cire Non
  • Nature du document Lettre Autographe Signée
  • Cote musée bibliothèque LA 31631/107
  • Données matérielles pliée en 3
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Transcription modernisée

Ce 2 mai 1860

Mon cher cousin,

Je n’ai pas besoin de vous exprimer mon désappointement de n’avoir pu me réunir à vous hier chez Mad. de La Grange, car je pense bien que vous y dîniez. Depuis un mois et plus j’allais très bien : mais j’ai un rhume affreux et le parlage me donne des quintes qui ne cessent point. Je vous écris pour vous demander l’adresse de Mr Legrand1 : j’ai envoyé hier une lettre pour lui à une adresse qui n’était pas la sienne. Dans les moments que j’ai passés avec lui à Augerville2, il m’a témoigné avec beaucoup d’amabilité que je pourrais m’adresser à lui dans un cas litigieux. Je n’ai pas encore de procès, grâce au ciel, mais la maison que j’habite va être vendue3 : on me fait mille tracasseries pour montrer les lieux, ce qui me forcera peut-être à me priver de la campagne où j’allais me retirer pour ce mois. Ce serait encore un faible inconvénient : je suis le gros lot de la maison, mon bail est long et les propriétaires sont au désespoir de ne pouvoir disposer de ce bel appartement et surtout de ce beau jardin qui sont les ornements de leurs affiches. Je voudrais donc avoir un homme de bon conseil pour m’aider en cas de besoin à ne pas me laisser tarabuster sans raison et Mr Legrand qui me plaît extrêmement serait l’homme qui m’irait le mieux4.

J’aurais été vous voir depuis que je vais mieux, mais le matin, particulièrement, je ne puis sortir sans m’en ressentir en mal toute la journée : aussi je ne peux me consoler de mon guignon d’hier. Conservez-vous bien au moins et ne soyez surtout pas enrhumé puisque cela ôte la voix. Il faut que la vôtre se fasse entendre longtemps pour l’honneur de notre triste et stérile époque.

Mille sentiments de respect et de dévouement.

Eug. Delacroix


1 Avoué de Berryer. Delacroix mentionne son nom dans son Journal le 6 octobre 1857 (Journal, éd. Hannoosh, t. I, p. 176).
2 Augerville-la-Rivière, près de Malesherbes (Loiret) où Berryer avait une propriété.
3 Il s’agit de l’immeuble, 6 rue de Furstenberg, où Delacroix était depuis la fin 1857 locataire d’un appartement au 1er étage, entre cour et jardin. Cet appartement lui donnait l’accès exclusif au jardin où il s’était du reste fait construire un atelier. Dans une lettre à son cousin Auguste Lamey, en date du 25 mai 1860, Delacroix revient sur ce problème qui contrarie tous ses projets (Paris, Bibliothèque de l’INHA, collections Jacques Doucet, inv. Ms 238 (67) ; Joubin, Corr. Gén, t. IV, p. 179).
4 Berryer répondit à Delacroix le même jour l’assurant que M. Legrand était un avoué fort intelligent et fort soigneux, et lui donnant son adresse, 45 rue Neuve-du-Luxembourg. En post-scriptum, Berryer conseillait à Delacroix de tenir bon contre son propriétaire (Paris, musée Eugène Delacroix, LA 31631/108).

 

 

Transcription originale

Page 1

Ce 2 mai 1860.

Mon cher cousin,

Je n’ai pas besoin de vous
exprimer mon désappointement de ne n’avoir pu [3 mots interlinéaires]
[mot barré] me réunir à vous hier chez
mad. de la Grange, car je pense bien que
vous y diniez. depuis un mois et plus
j’allais très bien : mais j’ai un rhume af-
-freux et le parlage me donne des quintes
qui ne cessent point.

Je vous ecris pour vous demander
l’adresse de Mr Legrand : j’ai envoyé hier
une lettre pour lui à une adresse qui n’etait
pas la sienne. Dans les moments que j’ai
passés avec lui à Augerville, il m’a té-
-moigné avec beaucoup d’amabilité que
je pourrais m’adresser à lui dans un cas
litigieux. Je n’ai pas encore de procès, grâce
au ciel : mais la maison que j’habite va
être vendue : on me fait mille tracasseries
pour montrer les lieux, ce qui me forcera

 

Page 2

 

peut être à me priver de la campagne
où j’allais me retirer pour ce mois.
Ce serait encore un faible inconvenient :
je suis le gros lot de la maison : mon
bail est long et les proprietaires sont au
desespoir de ne pouvoir disposer de ce
bel appartement et surtout de ce beau
jardin qui sont les ornements de leurs
affiches. Je voudrais donc avoir un
homme de bon conseil pour m’aider en
cas de besoin à ne pas me laisser tarabus-
-ter sans raison et Mr Legrand qui
me plait extremement serait l’homme
qui m’irait le mieux.

J’aurais eté vous voir depuis que
je vais mieux : mais le matin particuliere-
-ment, je ne puis sortir sans m’en ressentir
en mal toute la journée : aussi je ne
peux me consoler de mon guignon d’hier.
conservez vous bien au moins et ne soyez
surtout pas enrhumé puisque cela ote la
voix. Il faut que la votre se fasse entendre
longtemps pour l’honneur de notre triste
et stérile époque.

Mille sentiments de respect
et de dévouement.

Eug Delacroix

 

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