Lettre à Pierre-Antoine Berryer, 28 avril 1862

  • Cote de la lettre ED-MD-1862-AVR-28-A
  • Auteur Eugène DELACROIX
  • Destinataire Pierre-Antoine BERRYER
  • Date 28 Avril 1862
  • Lieux de conservation Paris, musée Eugène Delacroix
  • Éditions précédentes -
    , inédite.
  • Historique Acquise par le service des bibliothèques et des archives des musées nationaux avec la participation de la Société des Amis d’Eugène Delacroix auprès de la librairie Les Autographes, février 1992.
  • Enveloppe Non
  • Nombre de pages écrites 3
  • Présence d’un croquis Non
  • Format in - 8°
  • Dimension en cm 20,7x26,7
  • Cachet de cire Non
  • Nature du document Lettre Autographe Signée
  • Cote musée bibliothèque LA 31631/132
  • Données matérielles pliée en 3
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Transcription modernisée

Ce 28 avril 1862

Mon bien cher cousin,

Je viens vous présenter une timide requête pour un de mes amis au sujet duquel je vous avais je crois importuné déjà : mais il s’agit de quelque chose d’un peu moins important.

Une commission de l’académie dont vous faites partie s’est trouvée jeudi dernier partagée sur la question du prix Bordin1 pour lequel étaient proposés deux candidats : Mr Halévy pour son ouvrage De la Grèce tragique, traduction en vers du théâtre grec et dont le 1er volume avait été déjà couronné il y a quelques années2, et M. La Caussade, auteur de poésies intitulées je crois Epaves littéraires3. Le jugement ayant été renvoyé naturellement, aura lieu jeudi prochain à 1 heure et quand vous serez à Paris pour départager ces Messieurs. C’est Mr Halévy que je recommande à votre intérêt. Les deux ouvrages étant de nature dissemblables, il peut exister une certaine incertitude dans la décision4. Ce que je sais de la Grèce tragique, c’est que l’ouvrage est très intéressant non seulement par l’exactitude de la traduction mais par les notes et rapprochements très curieux qui y sont joints et, que pour ma part du moins, j’ai trouvé dans mon ignorance très intéressants.

J’apprends qu’un homme de talent que vous voyez, je crois, avec plaisir, Mr Prévôt Paradol, devait vous recommander avec vivacité la candidature de Mr Halévy.

Je vous adresse ceci à Paris pensant que si vous êtes encore un peu à Augerville5, on vous le fera parvenir. Vous avez dû faire provision de santé : pour moi, je suis tantôt bien, tantôt mal. Mes sorties me sont toujours contraires, mais on ne peut toujours vivre en chartreux.

Adieu, cher et respecté cousin. Conservez-vous pour ceux qui vous aiment, par conséquent pour ceux qui vous connaissent. Je vous envoie tous mes dévouements de cœur.

Eug. Delacroix


1 Ce prix avait été créé en 1835 par Charles-Laurent Bordin, notaire à Paris, qui avait légué à l’Institut une somme destinée à la dotation de cinq prix décernés par chacune des cinq Académies.

2 La Grèce tragique, chefs d’œuvres d’Eschyle, de Sophocle et d’Euripide : traduits en vers… accompagnés de notices, de remarques et de rapprochements littéraires, par Léon Halévy, Paris, Hachette et Cie, 1861.

3 Auguste Lacaussade venait de publier un recueil de poèmes intitulé Les Epaves (E. Dentu).

4 Finalement, le prix fut partagé entre les deux concurrents (prix spécial de 3000 francs pour encourager la haute littérature, cf. Bibliographie catholique. Revue critique des ouvrages de religion, de philosophie, d’histoire, de littérature, d’éducation etc. (…), tome XXVIII, juillet-décembre 1862, Paris, 1862.

5 Augerville-la-Rivière, près de Malesherbes (Loiret) où Berryer avait une propriété. Delacroix s’y rendit fréquemment à partir de 1854.

 

 

Transcription originale

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Ce 28 avril 1862

Mon bien cher cousin,

Je viens vous présenter une
timide requête pour un de mes
amis au sujet duquel je vous avais
je crois importuné deja : mais il
s’agit de quelque chose d’un peu moins
important.

Une commission de l’academie
dont vous faites partie s’est trouvé
jeudi dernier partagée sur la ques-
-tion du prix Bordin pour lequel
etaient proposés deux candidats :
Mr Halevy pour son ouvrage de la
Grèce tragique
, traduction en vers du
theatre grec et dont le 1er volume
avait eté deja couronné il y a quelques
années, et M. La Caussade auteur
de poésies intitulées je crois Epaves
littéraires. Le jugement ayant eté

 

Page 2

 

renvoyé naturellement, aura
lieu jeudi prochain a 1 heure et
quand vous serez à Paris pour
départager ces Messieurs. C’est
Mr Halevy que je recommande
à votre interet : les deux ouvrages
etant de nature dissemblables, il
peut exister une certaine incer-
-titude dans la décision : ce que
je scais de la Grèce tragique, c’est
que l’ouvrage est très interessant
non seulement par l’exactitude de
la traduction mais par les notes et
rapprochements très curieux qui y sont
joints et, que pour ma part du
du moins j’ai trouvé dans mon
ignorance très interessants.

J’apprends qu’un homme de talent
que vous voyez je crois avec plaisir,
Mr Prévôt Paradol devait vous
recommander avec vivacité la

 

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candidature de Mr Halevy.

Je vous adresse ceci à Paris
pensant que si vous etes encore
un peu à Augerville, on vous le
fera parvenir. Vous avez dû faire
provision de santé : pour moi je
suis tantôt bien, tantôt mal.
Mes sorties me sont toujours contraires,
mais on ne peut toujours vivre
en chartreux.

Adieu cher et respecté cousin :
Conservez vous pour ceux qui vous
aiment par consequent pour ceux
qui vous connaissent : je vous envoie
tous mes dévouements de
cœur.

Eug Delacroix

 

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