Lettre à Pierre-Antoine Berryer, 05 novembre 1862

  • Cote de la lettre ED-MD-1862-NOV-05-A
  • Auteur Eugène DELACROIX
  • Destinataire Pierre-Antoine BERRYER
  • Date 05 Novembre 1862
  • Lieux de conservation Paris, musée Eugène Delacroix
  • Éditions précédentes -
    , inédite.
  • Historique Acquise par le service des bibliothèques et des archives des musées nationaux avec la participation de la Société des Amis d’Eugène Delacroix auprès de la librairie Les Autographes, février 1992.
  • Enveloppe Non
  • Nombre de pages écrites 3
  • Présence d’un croquis Non
  • Format in - 8°
  • Dimension en cm 20,7x26,7
  • Cachet de cire Non
  • Nature du document Lettre Autographe Signée
  • Cote musée bibliothèque LA 31631/143
  • Données matérielles pliée en 3
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Transcription modernisée

Champrosay, ce 5 nov. 1862

Mon cher cousin,

Je vous adresse mes remerciements de cœur de toutes vos bontés pendant le séjour que j’ai fait près de vous1 : je l’eusse fait plus tôt si je n’avais été très occupé des intrigues qui se heurtent autour du musée Campana dont la destruction paraît certaine2. Comme c’est un grand chagrin pour moi et, je crois, un grand et irréparable tort fait au public qui s’occupe des arts, pour complaire aux plus basses et aux plus mesquines intrigues, j’ai cru devoir en dire mon mot, ce que j’ai fait avec le plus de modération que j’ai pu et cela en vue même de l’ombre de chance qui reste peut-être de sauver cette collection si originale3. Pardon de vous entretenir de tous ces objets qui étaient loin de mon esprit quand j’ai commencé ma lettre et où je suis retombé sitôt que j’y ai touché. Ce que je voulais traiter avec vous, c’est l’histoire de mes regrets de ne plus vous voir tous les jours, ni l’adorable Mad. de La Grange, ni toutes les aimables personnes si dignes aussi d’être regrettées. Mais vous-même à cette heure, Peut-être êtes vous privé de leur présence et les frimas aussi bien que l’hydre des affaires vont vous rappeler à votre tour. Mille choses, je vous prie, les plus empressées et les plus reconnaissantes à ceux de ces Messieurs qui restent plus particulièrement près de vous. Je remercie bien M. Chailloux4 de ses bonnes attentions et de toute sa complaisance pour ma passion de musique.

Recevez, mon cher et bien respecté cousin, les souvenirs du cœur le plus reconnaissant.

Eug. Delacroix


1 Delacroix avait passé près de trois semaines dans la propriété de son cousin à Augerville-la-Rivière, près de Malesherbes (Loiret).
2 Delacroix s’inquiétait du sort de la collection Campana dont la division avait été ratifiée par un décret du 11 juillet. Le 28 septembre, il avait adressé une longue lettre à ce sujet au secrétaire perpétuel de l’Académie des Beaux-Arts (Paris, Bibliothèque de l’Institut ; Joubin, Corr. Gén, IV, p. 336-341).
3 Malgré les efforts de Delacroix et les protestations émises par divers artistes et savants, la collection Campana qui comprenait des tableaux de primitifs italiens et des pièces de céramique grecques et étrusques fut dispersée dans une soixantaine de musées de province.
4 On trouve ce nom orthographié avec ou sans x, dans trois autres lettres de Delacroix à Berryer, la première datée du 6 septembre 1858 (Paris, musée Eugène Delacroix, LA 31631/82), la deuxième datée du 12 novembre 1859 (idem, LA 31631/100) et la troisième, du 7 mai 1861 (idem, LA 31631/117). Selon A. Joubin (Corr. Gén, t. IV, p. 129, note 1), Chaillous (sic) était le secrétaire de Berryer et devint plus tard juge à Angers. Ce patronyme est très courant en France. Un certain Chaillou, conseiller de préfecture, ex-officier d’artillerie, était député de 1832 à 1839 de la Loire-Inférieure (actuelle Loire-Atlantique) pour l’arrondissement de Nantes, alors que Berryer, au même moment, émargeait comme député de la Haute-Loire (cf. L’Almanach royal et national, de 1832 à 1839). Ce M. Chaillou est domicilié à Paris successivement rue du Bac, n°9, puis rue de Grenelle-Saint-Germain, n°18. En 1838, il est mentionné plus précisément comme conseiller à la sous-préfecture des Sables-d’Olonnes et comme maire de Saint-Jean-de-Mont (Vendée). Or un Jean-Baptiste Chaillou a effectivement occupé cette dernière fonction de 1827 à 1830, puis de 1835 à 1839 (cf. site internet de cette commune). S’agit-il du même homme ?

 

 

Transcription originale

Page 1

Champrosay ce 5 nov.
1862

Mon cher cousin,

Je vous adresse mes remerci-
-ments de cœur de toutes vos bontés
pendant le sejour que j’ai fait près
de vous : je l’eusse fait plutot si je
n’avais eté très occupé des intrigues
qui se heurtent autour du musée
Campana dont la destruction
parait certaine. comme c’est un
grand chagrin pour moi et, je crois,
un grand et irreparable tort fait
au public qui s’occupe des arts, pour
complaire aux plus basses et aux plus
mesquines intrigues, j’ai cru devoir
en dire mon mot, ce que j’ai fait
avec le plus de moderation que j’ai

 

Page 2

 

pu et cela en vue même de
l’ombre de chance qui reste
peut etre de sauver cette
collection si originale. Pardon
de vous entretenir de tous ces
objets qui etaient loin de mon
esprit quand j’ai commencé ma
lettre et où je suis retombé
sitot que j’y ai touché. Ce que je
voulais traiter avec vous c’est
l’histoire de mes regrets de ne
plus vous voir tous les jours, ni
l’adorable Mad. de la Grange,
ni toutes les aimables personnes
si dignes aussi d’etre regrettées :
mais vous même à cette heure,
peut être êtes vous privé de leur
présence et les frimas aussi bien
que l’hydre des affaires vont vous
rappeler à votre tour. Mille choses

 

Page 3

 

je vous prie les plus empressées
et les plus reconnaissantes à ceux
de ces Messieurs qui restent plus
particulierement près de vous : Je
remercie bien M. Chailloux
de ses bonnes attentions et de
toute sa complaisance pour ma
passion de musique.

Recevez mon cher et bien
respecté cousin les souvenirs du
cœur le plus reconnaissant

Eug Delacroix

 

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