Lettre de Guillaume Auguste Lamey, 13 août 1858

  • Cote de la lettre ED-IN-1858-AOU-13-A
  • Auteur Eugène DELACROIX
  • Destinataire Guillaume-Auguste LAMEY
  • Date 13 Août 18[58]
  • Lieux de conservation Paris, bibliothèque de l'INHA, collections Jacques Doucet
  • Éditions précédentes -
    , inédite.
  • Enveloppe Non
  • Nombre de pages écrites 4
  • Présence d’un croquis Non
  • Dimension en cm 20,7x26,4
  • Cachet de cire Non
  • Nature du document Lettre Autographe Signée
  • Cote musée bibliothèque Ms 238 pièce 41
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Transcription modernisée

 

Champrosay, ce 13 août1

 

Cher cousin et respectable ami,

 

Votre bonne lettre m’a fait beaucoup de plaisir. Quoique vous ne vous soyez pas encore décidé à franchir le Rhin, votre santé est bonne, c’est l’essentiel : le mauvais temps nous désole ici comme dans beaucoup d’autres lieux et met obstacle à bien des projets.

Ce n’est pas le temps qui m’empêche d’exécuter le plus cher de tous ceux que j’avais formés et dans lequel vous m’aviez encouragé avec tant de chaleur de cœur : hélas ! je me suis mis à Saint-Sulpice aussitôt après votre départ : je n’ai pu travailler qu’une huitaine de jours et l’abattement m’a repris2. J’avais abusé de mes forces depuis la reprise de mon travail après ma maladie de cet hiver. Vous m’avez vu, même pendant votre séjour, me jeter sur la besogne sans compter : je n’ai pu durant un mois environ, après avoir été forcé de suspendre pour mon compte, que diriger mon élève, qui a contribué à avancer le travail. La santé complète, si nécessaire dans un métier si fatigant, ne revenant pas, j’ai été passer quelques jours à Dieppe pour me donner une secousse, sur laquelle je comptais : mais la pluie continuelle m’en a chassé ; et voici quinze jours que je suis ici sans rien faire. J’ai fait de si tristes réflexions sur la nécessité d’attendre qu’il plaise à la nature de me rendre à moi-même, que je n’allongerai pas davantage ce que j’ai lieu de vous dire à ce sujet ; seulement si je me trouvais en état le 1er septembre, je pourrais encore, et avec des ménagements, arriver à la fin de l’année avec de bons résultats. Du reste, je n’éprouve point de souffrance, mais impossibilité de travail. Je lis, je me promène et je recommence3.

J’ai la confiance que vous aurez quelques beaux jours ; peut-être pourrez-vous pousser jusqu’à Carlsruhe4. Vous trouverez là, je n’en doute pas, l’accueil que vous méritez : dans tous les cas, si vous n’allez qu’à Baden, c’est un lieu parfait pour le repos et le contentement d’esprit5.

Voulez-vous présenter mes respects à madame votre belle-sœur et mes compliments les plus empressés à M. et à Mme [illisible] ? Jenny, bien reconnaissante de votre bon souvenir, vous salue bien respectueusement et moi je vous embrasse de tout cœur en vous demandant place dans vos prières au Dieu de Luther, si vous avez encore conservé des intelligences de ce côté-là.

Votre dévoué cousin et ami,

Eugène Delacroix

 


1La lettre date de 1858 car l’artiste évoque le récent séjour de son cousin à Paris. De plus, il est à Champrosay depuis le 11 août 1858 (Journal, éd. Hannoosh, t. II, p. 1255).
2 Il note dans son Journal le 11 août 1858 lors de son départ : "Je ne suis pas encore content de ma santé. Je n’ose me remettre à l’église" (Journal, éd. Hannoosh, t. II, p. 1255).
3 Voir à ce sujet : Journal, éd. Hannoosh, t. II, p. 1255-1257.
4 Ville située de nos jours dans le Land Bade-Wurtemberg en Allemagne.
5 Ville thermale très réputée à l’époque.

 

Transcription originale

Page 1

 

Champrosay ce 13 aout.

 

Cher cousin et respectable ami,

Votre bonne lettre m’a fait
beaucoup de plaisir. quoique vous
ne vous soyez pas encore décide à
franchir le Rhin, votre santé est
bonne, c’est l’essentiel : le mauvais
temps nous désole ici comme dans
beaucoup d’autres lieux et met
obstacle à bien des projets.

Ce n’est pas le temps qui m’empêche
d’executer le plus cher de tous ceux
que j’avais formé et dans lequel
vous m’aviez encouragé avec tant de
chaleur de cœur : helas ! je me suis
mis à St Sulpice aussitot après votre
depart : je n’ai pu travailler qu’une
huitaine de jours et l’abattement
m’a repris. J’avais abusé de mes

 

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forces depuis la reprise de mon
travail après ma maladie de
cet hiver. Vous m’avez vu même
pendant votre sejour, me jetter
sur la besogne sans compter : Je
n’ai pu durant un mois environ,
après avoir eté forcé de suspendre
pour mon compte, que diriger
mon éleve qui a contribué à
avancer le travail. La santé
complette si nécessaire dans un metier
si fatigant, ne revenant pas, j’ai
eté passer quelques jours a Dieppe
pour me donner une secousse sur
laquelle je comptais : mais la pluie
continuelle m’en a chasse ; et voici
15 jours que je suis ici sans rien
faire. J’ai fait de si tristes reflexions
sur la nécessité d’attendre qu’il plaise
à la nature de me rendre à moi même,
que je n’allongerai pas davantage ce que
j’ai lieu de vous dire à ce sujet ; seulement

 

Page 3

 

si je me trouvais en etat le
1er septembre, je pourrais encore
et avec des ménagements, arriver
à la fin de l’année avec de bons
résultats. Du reste, je n’éprouve
point de souffrance, mais impossibilité
de travail. Je lis, je me promène et
je recommence.

J’ai la confiance que vous aurez
quelques beaux jours ; Peut etre pourrez
vous pousser jusqu’à Carlsruhe. Vous
trouverez là je n’en doute pas l’accueil
que vous meritez : dans tous les cas
si vous n’allez qu’à Baden, c’est un
lieu parfait pour le repos et le conten-
-tement d’esprit.

Voulez vous présenter mes respects
a Madame votre belle sœur et mes
compliments les plus empresses a Monsieur
et a Madame [illisible]. Jenny bien
reconnaissante de votre bon souve-
-nir, vous salue bien respectueusement et
moi je vous embrasse de tout cœur
en vous demandant place dans vos
prières au Dieu de Luther, si vous avez

 

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encore conservé des intelligences
de ce coté là.

Votre devoué cousin et
ami

EugDelacroix

 

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