Lettre à Guillaume Auguste Lamey, 11 juin 1859

  • Cote de la lettre ED-IN-1859-JUIN-11-A
  • Auteur Eugène DELACROIX
  • Destinataire Guillaume-Auguste LAMEY
  • Date 11 Juin 1859
  • Lieux de conservation Paris, bibliothèque de l'INHA, collections Jacques Doucet
  • Éditions précédentes Joubin, Correspondance générale, 1936-38
    , t. IV, p. 106-107.
  • Enveloppe Non
  • Nombre de pages écrites 3
  • Présence d’un croquis Non
  • Dimension en cm 20,8x26,4
  • Cachet de cire Non
  • Nature du document Lettre Autographe Signée
  • Cote musée bibliothèque Ms. 238 pièce 47
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Transcription modernisée

 

Ce 11 juin 1859

Mon cher et bon cousin,

 

Je n’ai pas de bonnes nouvelles à vous donner du résultat que j’espérais relativement à votre manuscrit1. J’en suis très affligé, d’autant plus que j’espérais que j’avais trouvé un homme posé pour faire recevoir la pièce et au courant du goût actuel. M. de Courcelle est auteur de plusieurs pièces qui ont réussi2. Quand je lui remis le manuscrit, il me promit de le lire à l’instant même et vous verrez par la lettre de renvoi pourquoi je n’ai pas été informé plus tôt de son refus de s’en charger. J’ai hésité à vous envoyer cette lettre où vous verrez les motifs de son refus, lesquels me semblent bien sévères. Cependant j’ai pensé que vous auriez droit de me savoir mauvais gré de ne pas vous avoir fait connaître toute entière l’opinion d’un homme qui juge votre ouvrage au point de vue moderne et surtout sous le rapport de la possibilité de sa représentation. Vous verrez par la forme de la lettre que M. de Courcelle s’adresse à moi seul et ne donn[e] en définitive son opinion que comme lui étant personnelle.

Si je n’ai pas été refusé au Salon, j’ai été au moins étrillé par la critique : je me console de mon mieux de ses piqûres3; mais je crains d’en être atteint jusque dans mes petits intérêts. La carrière de l’amour-propre est orageuse : c’est comme la guerre, où vous voyez par notre récent succès4 combien quelquefois le hasard se mêle de donner ou de retirer la gloire. Une mauvaise place au Salon ou un ordre mal compris sur le champ de bataille rendent ridicule un pauvre artiste ou ruinent un empire.

Je pense qu’il y a un an que nous étions réunis5. Je vous écris à cette même place où je vous ai vu : il me semble que c’était hier. Dites-moi si l’époque dont je vous ai parlé pour mon projet de voyage à Strasbourg ne contrarie pas vos projets : j’en serais bien désolé.

Je vous embrasse bien, cher cousin, et vous prie de croire à mon profond attachement.

Eugène Delacroix

 


1 Hunyades, drame en vers. Voir à ce sujet la lettre du 11 mai 1858, la lettre du 26 mars 1859 et la lettre du 26 mai 1859.
2 Adrien-Pierre-Henri Decourcelle (Paris 1821 - Etretat 1892), homme de lettres et auteur dramatique français. Il a écrit de nombreuses pièces de théâtre (drames, comédies et vaudevilles) souvent en collaboration avec Théodore Barrière. Il est aussi connu comme chansonnier à succès.
3 en cours d’insertion.
4 La bataille de Magenta, durant la campagne d’Italie et soldée par une victoire,  le 4 juin 1859, sous la conduite de Napoléon III.
5 Voir les lettres du 11 mai 1858, du  30 mai 1858 et du  6 juillet 1858.

 

Transcription originale

Page 1

 

Ce 11 juin 1859.

Mon cher et bon cousin,

Je n’ai pas de bonnes nouvelles
à vous donner du résultat que j’esperais
relativement à votre manuscrit. J’en
suis très affligé, d’autant plus que j’esperais
que j’avais trouvé un homme posé
pour faire recevoir la pièce et au [mot interlinéaire] [2 mots barrés illisibles]
[mot barré illisible] courant du gout actuel. Mr
de Courcelle est auteur de plusieurs pièces
qui ont réussi. Quand je lui remis
le manuscrit il me promit de le lire
à l’instant même et vous verrez par la
lettre de renvoi pourquoi je n’ai pas été
informé plutot de son refus de [mot barré]
s’en charger. J’ai hesité à vous envoyer
cette lettre où vous verrez les motifs de
son refus, lesquels me semblent bien
sevères. Cependant j’ai pensé que vous
auriez droit de me savoir mauvais gré
de ne pas vous avoir fait connaitre
toute entiere, l’opinion d’un homme

Page 2

 

qui juge votre ouvrage au point de
vue moderne et surtout sous le
rapport de la possibilité de sa repré-
-sentation. Vous verrez par [mot interlinéaire] [mot barré illisible] la
forme de la lettre que M. de Courcelle
s’adresse à moi seul et ne donnant
en definitive son opinion que comme
lui etant personnelle.

Si je n’ai pas eté refusé au salon
j’ai eté au moins etrillé par la critique :
je me console de mon mieux de
ses piqures : mais je crains d’en etre
atteint jusque dans mes petits inte-
-rets. La carriere de l’amour propre
est orageuse : c’est comme la guerre
où vous voyez par notre recent succès
combien quelquefois le hasard se
mêle de donner ou de retirer la gloire.
Une mauvaise place au salon ou un
ordre mal compris sur le champ de
bataille rendent ridicule un pauvre
artistes ou ruinent un empire.

Je pense qu’il y a un an que nous
etions réunis : je vous ecris à cette

 

Page 3

 

même place où je vous ai vu : il me
semble que c’etait hier. Dites moi si
l’epoque dont je vous ai parlé pour
mon projet de voyage à Strasbourg, ne
contrarie pas vos projets : j’en
serais bien desole.

Je vous embrasse bien, cher cousin
et vous prie de croire à mon profond
attachement.

EugDelacroix

 

 

 

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