Lettre à Jean-Baptiste Pierret [16 octobre 1827]

  • Cote de la lettre ED-ML-1827-OCT-XX-A
  • Auteur Eugène DELACROIX
  • Destinataire Jean-Baptiste PIERRET
  • Date [16] Octobre 1827
  • Lieux de conservation Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques
  • Éditions précédentes Joubin, Correspondance générale, 1936-38
    , 1935, t. I, p.198-201; Chillaz, 1997, Aut 142, p.104.
  • Historique Legs Etienne Moreau-Nélaton, 1927
  • Enveloppe Non
  • Nombre de pages écrites 3
  • Présence d’un croquis Non
  • Format in - 4°
  • Dimension en cm 24,5x11,9
  • Cachet de cire Oui
  • Nature du document Lettre Autographe Signée
  • Cote musée bibliothèque AR18L27
  • Cachet de la poste [1er cachet] octobre 1827//17 ; [2e cachet] Mantes
  • Œuvre concernée Mort de Sardanapale
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Transcription modernisée

[Mantes, 16 octobre 1827]1

Cher ami, si je te donnais de mes nouvelles. Au fait, voilà du temps que je suis absent et je ne reviendrai que vendredi . Cela rompra la monotonie de la rue du Bac2. La paresse a été inventée pour moi. Ne rien faire et puis dîner, et puis recommencer, c’est un train de vie fort appliqué à ma complexion. Ce qui me console, c’est que je n’ai presque rien à faire à Paris. Plus je suis ici et plus j’y voudrais être. Il est fâcheux que la cruelle nécessité nous pince dans ses serres. De qui vais-je te demander des nouvelles? Mais je suppose que personne n’a eu le temps de se trop mal porter ou de faire fortune, depuis si peu de temps. Ma misère m’embête fort . Quand aurons-nous une terre et quand mangerons-nous les lapins qui auront brouté notre véritable herbe? Si ce n’était la boue que cela fait quand il pleut, il est vraiment doux d’être propriétaire. On a un cuisinier, des dindons, des canards. On irait vraiment jusqu’à se marier pour avoir de tout cela.

As-tu des nouvelles de Soulier et comment va la lithographie3 ? Moins j’ai de temps et plus j’ai de projets. Ce Salon4 devrait bien amener un peu d’eau au moulin. — La propriété ! la propriété !
Dis bien des choses à Félix que tu n’as peut-être pas vu une seule fois. Moi, il me semble qu’il y a deux mois que j’ai quitté votre bourbier. Oh ! chien d’atelier à la glace ; scie des scies ! et pourtant non. Il y a des moments où je pense avec quelque plaisir à cette damnée peinture5 .

Le dîner va sonner. Il faut se requinquer. Je t’en souhaite un bon et beaucoup d’autres par la suite dans cette fameuse terre où nous devons chasser aux flambeaux.

Adieu mille bonnes tendresses.
Embrasse ta femme à mon intention.

Eug Delacroix

Mardi 

Adresse

Monsieur
Pierret
Rue du bac n°17
A Paris

_____________________________________________________________________________

117 octobre 1827 d’après le cachet de la poste. Delacroix note « mardi » en fin de lettre, c’est-à-dire la veille. Le second cachet note "Mantes". Le peintre est en séjour chez le baron Charles Rivet, un de ses fidèles amis de jeunesse.
2Pierret habite 17 rue du Bac.
3Pierret pratique la peinture, et s’exerce à la lithographie.
4Le Salon a ouvert ses portes le 4 novembre 1827. Delacroix y expose neuf peintures (quatre ont été rejetées par le jury). La Mort de Sardanapale est acceptée par le jury à la majorité le 14 janvier 1828.
5La Mort de Sardanapale, « mon Massacre n°2 », comme la qualifie Delacroix dans sa lettre du 6 février 1828 à son ami Soulier (Joubin, Corresp. Gén. I. p.211).

 

Transcription originale

Page 1

Cher ami, si je te donnais de mes
nouvelles. au fait voilà du temps
que je suis absent et je ne reviendrai
que vendredi. Cela rompra la
monotonie de la rue du bac. La
paresse a été inventée pour moi. ne
rien faire et puis diner, et puis recom-
mencer c’est un train de vie fort
appliqué à ma complexion. Ce
qui me console c’est queje n ai presque
rien à faire aParis. Plus je suis
ici et plus j’y voudrais être. il est
facheux que la cruelle necessité nous
pince dans ses serres. De qui vais-je te
demander des nouvelles. Mais je suppose
que personne n’a eu le temps de se
trop mal porter ou de faire fortune

 

Page 2

depuis si peu de temps. Ma misère
m’embête fort. quand aurons nous
une terre et quand mangerons
nous les lapins qui auront brouté
notre véritable herbe. Si ce n’était
la boue que cela fait quand il pleut [quand il pleut interlinéaires sup.], il est vraiment
doux d’être proprietaire. on a
un cuisinier, des dindons, des canards.
on irait vraimentjusqu’à se
marier pour avoir de tout cela.
as-tu des nouvelles deSoulier et comment va la
Lithographie.─ Moins j’ai
de temps et plus j’ai de projets. ce
Salon devrait bien amener un peu
d’eau au moulin. ▬
la propriété, la propriété
Dis bien des choses à felix

 

Page 3

que tu n’as peutetre pas vu une
seule fois. moi il me semble quil
y a deux mois que j’ai quitté
votre bourbier. Oh chien d’atelier
à la glace ; scie des scies ! etpourtant
non. il y a des moments où
jepense avecquelqueplaisir à
Cette damnéePeinture.
Ledinerva sonner. il faut
se requinquer. je t’ensouhaite
un bon et beaucoup d’autres par
lasuite dans cettefameuse terre
où nous devons chasser aux flambeaux.
Adieu mille bonnes tendresses.
Embrasse ta femme à monintention.
Eugdelacroix

Mardi 

 

Page 4

Monsieur
Pierret
Rue du bac n°17
A Paris

 

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