Lettre à Guillaume Auguste Lamey, 13 décembre 1859

  • Cote de la lettre ED-IN-1859-DEC-13-A
  • Auteur Eugène DELACROIX
  • Destinataire Guillaume-Auguste LAMEY
  • Date 13 Décembre 1859
  • Lieux de conservation Paris, bibliothèque de l'INHA, collections Jacques Doucet
  • Éditions précédentes Joubin, Correspondance générale, 1936-38
    , t. IV, p. 134-136.
  • Enveloppe Non
  • Nombre de pages écrites 4
  • Présence d’un croquis Non
  • Dimension en cm 20,8x26,2
  • Cachet de cire Non
  • Nature du document Lettre Autographe Signée
  • Cote musée bibliothèque Ms. 238 pièce 54
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Transcription modernisée

 

Ce 13 décembre 1859

Cher cousin et ami,

 

Il est survenu, dans la poursuite qui nous occupe1, un incident qui a été au moment de ruiner toutes mes espérances et des plus inattendus : sous le coup de cet embarras, je n’ai rien voulu vous écrire avant d’avoir quelque chose de favorable à vous annoncer. Voici le fait. Vous vous rappelez que M. Gérard2 nous parla longuement des incartades dont s’avise quelquefois le duc de Malakoff, grand chancelier actuel de la Légion d’honneur3 : M. Fouché4, en qui j’avais placé mon espoir et, je crois, l’homme le plus propre à nous servir efficacement, a eu avec le duc, dans le conseil de l’ordre dont il faisait partie, une discussion dans laquelle ledit duc a été d’une inconvenance qui a forcé M. Fouché à donner sa démission sans que rien ait pu l’en faire revenir ; par conséquent plus d’influence, plus d’action dans les bureaux. Cependant, après les premiers moments de surprise, il m’a conseillé de me présenter de sa part au chef de bureau du secrétariat général et de lui parler de l’affaire en se recommandant de lui. J’ai été accueilli poliment mais ce fonctionnaire m’a présenté l’affaire comme très difficile. On ne veut là maintenant que des militaires. Si vous aviez fait deux campagnes seulement, votre position eût été bien meilleure qu’avec votre carrière si longue et si honorablement remplie. La diversité des titres est même, selon son opinion, une raison de disperser l’intérêt que présentent vos services. Il m’a éconduit avec beaucoup de politesse mais en ne me laissant point d’espoir.

Sur l’idée que m’en a donnée Fouché, j’ai demandé à voir le secrétaire général, qui est lui aussi un vieux général : celui-là ne m’a pas désespéré tout à fait, et voilà la marche à suivre.

Il faut que vous fassiez une demande officielle au grand chancelier5. Vous savez qu’on traite ces messieurs d’« Excellence ». Dans cette demande sur papier à pétitions, vous relaterez succinctement vos titres et vous me l’enverrez. Sur cette pièce que je porterai au secrétaire général, il pourra alors provoquer de la part du préfet du Bas-Rhin une lettre confirmative de celle qu’il avait ci-devant adressée et qui n’a pas été retrouvée dans les bureaux. M. le président Gérard pourrait joindre son adhésion à la sienne : le général m’a fait sentir que la grande raison déterminante (je vous le dis entre nous) serait l’assurance que cette distinction ferait un bon effet sur le public du département, et je ne doute pas qu’il n’en soit ainsi.

Sitôt que j’aurai votre lettre, j’écrirai moi-même au préfet pour lui parler de la tournure que prend l’affaire et solliciter son intervention. Vous feriez peut-être bien de consulter M. le président Gérard, à qui je vous prie de faire agréer mes respects, sur la forme de votre pétition.

Je ne vous en dis pas plus long aujourd’hui, cher cousin. J’espère que votre santé se soutient et que vous m’en donnerez de bonnes nouvelles dans votre réponse. Je vous embrasse de cœur et souhait[e] vivement la réussite de notre recherche.

Eugène Delacroix

 


1 Les démarches pour la croix de la Légion d’Honneur pour Guillaume-Auguste Lamey.
2 Le premier président de la cour de Strasbourg. Voir la lettre du 17 octobre 1859.
3 Aimable-Jean-Jacques Pélissier (1794-1864), duc de Malakoff. Maréchal de France. En 1815, il entre dans l’armée et débute une brillante carrière militaire. Il participe à l’expédition algérienne en 1830 et devient lieutenant-colonel de la province d’Oran. Il est nommé général de brigade puis général de division. En 1854, il est en Crimée et est promu commandeur en chef des forces françaises devant Sébastopol. Il gagne une victoire décivise  dans la prise de Malakoff en 1855. Nommé sénateur en 1856, il acquiert le titre de duc de Malakoff. De mars 1858 à mai 1859, il est ambassadeur à Londres. Nommé grand chancelier de la Légion d’honneur. En 1860, il devient gouverneur général d’Algérie et y meurt en 1864. Comme Delacroix, il était propriétaire d’une maison à Champrosay. (Journal, éd. Hannoosh,t. II, p. 2296). Voir aussi au sujet des démarches auprès du grand chancelier de la Légion d’honneur, la lettre du 15 décembre 1859.
4 Voir au sujet d’Edmond Fouché-Lepelletier la lettre du 17 octobre 1859 (note 1) et la lettre du 12 novembre 1859
5 Aimable-Jean-Jacques Pélissier (1794-1864), duc de Malakoff. (voir la note 3).

 

Transcription originale

Page 1

 

Ce 13 decembre
1859.

Cher cousin et ami,

 

Il est survenu dans la pour-
-suite qui nous occupe un incident
qui a eté au moment de ruiner toutes
mes esperances et des plus inattendus :
sous le coup de cet embarras je n’ai
rien voulu vous ecrire avant d’avoir
quelque chose de favorable à vous annoncer.
Voici le fait. Vous vous rappelez que
duc de Malakoff, grand chancelier
actuel de la legion d’honneur : Mr
Foucher en qui j’avais placé mon espoir
et je crois l’homme le plus propre à nous
servir efficacement, a eu avec le Duc
dans le conseil de l’ordre dont il faisait
partie, une discussion dans laquelle le
dit duc a eté d’une inconvenance qui
à forcé Mr Fouché à donner sa demission
sans que rien ait pu l’en faire revenir ;
par consequent plus d’influence, plus
d’action dans les bureaux. Cependant

Page 2

 

après les premiers moments de
surprise, il m’a conseillé de me
présenter de sa part au chef de
bureau du secretariat Gal et de lui
parler de l’affaire en se recommandant
de lui. J’ai eté accueilli poliment mais
ce fonctionnaire m’a présenté l’affaire
comme très difficile. on ne veut là
maintenant que des militaires. Si
vous aviez fait deux campagnes seulement
votre position eut eté bien meilleure
qu’avec votre carrière si longue et si
honorablement remplie. La diversité
des titres est meme selon son opinion
une raison de disperser l’interet
que présentent vos services. Il m’a econ-
-duit avec beaucoup de politesse mais
en ne me laissant point d’espoir.

Sur l’idée que m’en a donné
Fouché j’ai demandé à voir le
Secretaire General qui est lui aussi
un vieux general : celui la ne m’a pas
desesperé tout à fait et voila la
marche à suivre.

Il faut que vous fassiez une demande

 

Page 3


officielle au grand chancelier
Vous savez qu’on traite ces messieurs
d’excellence. dans cette demande
sur papier à petitions, vous
relaterez succinctement vos titres
et vous me l’enverrez. Sur cette
pièce que je [mot barré illisible] porterai au Secretaire gal [3 mots interlinéaires] il pourra
alors provoquer de la part du
prefet du bas Rhin une lettre
confirmative de celle qu’il avait
ci devant adressée et qui n’a pas
eté retrouvée dans les bureaux.

Mr le president Gérard pourrait
joindre son adhesion à la sienne :
le Gal m’a fait sentir que la
grande raison determinante (je
vous le dis entre nous) serait
l’assurance que cette distinction
ferait un bon effet sur le public
du departement, et je ne doute
pas qu’il n’en soit ainsi.

Sitôt que j’aurai votre lettre, j’ecrirai
moi même au prefet pour lui parler

 

Page 4

 

de la tournure que prend l’affaire
et solliciter son intervention. Vous
feriez peut etre bien de consulter
Monsieur le President Gerard
à qui je vous prie de faire agreer
mes respects, sur la forme de
votre petition.

Je ne vous en dis pas plus
long aujourdhui, cher cousin.
j’espere que votre santé se soutient
et que vous m’en donnerez de
bonnes nouvelles dans votre reponse
Je vous embrasse de cœur et souhai-
-tant vivement la réussite
de notre recherche.

EugDelacroix

 

 

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