Ce 7 janvier 1860

Cher cousin,

 

Je suis malade depuis une quinzaine de jours et hors d’état de mettre le pied dehors, à mon grand regret : j’ai été brusquement envahi par une nuée de rhumatismes, qui m’ont mis dans un piteux état : je n’ai donc pu m’informer de l’arrivée de vos papiers¹. J’espérais de jour en jour pouvoir sortir et vous en rendre compte. Je déplore ce retard eu égard à votre impatience, mais je ne crois pas qu’il puisse être nuisible, ces affaires-là ne marchent ordinairement qu’avec difficulté, quand elles ne sont pas enlevées par une influence supérieure.

Vous me demandez en quoi le ministre de la Justice peut influer sur votre recherche : il me semble que c’est comme chef d’une administration dans laquelle vos services ont compté. Je me suis évertué dans le tête à tête à lui conter votre conduite à Munster : il me semble que c’est là un titre important.

Dans toutes les démarches que j’ai faites à cette occasion, je n’ai trouvé que la même réflexion dans toutes les bouches sans exception : M. Lamey, avec les titres les plus divers, est dans une plus mauvaise situation que s’il n’avait à présenter que les titres d’une seule carrière : de sorte qu’il faudrait d’une part que le ministre de la Justice fît valoir les droits judiciaires, le ministre de l’Instruction publique les titres littéraires, etc., etc. Telle est la véritable difficulté. Au premier jour de sortie, j’irai voir le secrétaire général de la Légion d’honneur : il me dira probablement définitivement ce que nous devons attendre.

Ne m’envoyez plus, cher cousin, de ces excellents pâtés. Je n’ai pu qu’en donner un morceau à un ami et j’attends encore le moment où je pourrai en goûter moi-même. Je mange aussi peu que possible et sans appétit de petits potages, etc.

Je ne sais ce que vous voulez dire avec cet ouragan dont vous me parlez.

Jenny vous prie d’agréer ses respectueux remerciements de votre souvenir.

L’état de maladie où je me trouve me fait beaucoup craindre pour vous dans cette saison si capricieuse. Gardez-vous bien de l’hiver.

Je vous embrasse bien cordialement.

Eugène Delacroix

 

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¹ Les démarches entreprises pour la croix de la Légion d’honneur par Guillaume-Auguste Lamey.

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Ce 7 janvier 1860.

 

Cher cousin,

Je suis malade depuis
une quinzaine de jour et hors d’etat
de mettre le pied dehors à mon grand
regret : j’ai eté brusquement envahie
par une nuée de rhumatismes qui
m’ont mis dans un piteux etat : je
n’ai donc pu m’informer de l’arrivée
de vos papiers. J’esperais de jour en
jour pouvoir sortir et vous en rendre
compte. Je déplore ce retard eu egard
à votre impatience, mais je ne crois
pas qu’il puisse etre nuisible, ces affaires
là ne marchent ordinairement qu’avec
difficulté quand elles ne sont pas
enlevées par une influence superieure.

Vous me demandez en quoi le
Ministre de la justice peut influer sur votre
recherche : Il me semble que c’est comme
chef d’une administration dans laquelle

 

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vos services ont compté. Je me suis
evertué dans le tête a tête à [mot interlinéaire] [mot barré illisible] lui conter
votre conduite à Munster : Il me semble
que c’est la un titre important.

Dans toutes les démarches que j’ai
faites à cette occasion je n’ai trouvé que
la même reflexion dans toutes les bouches
sans exception : Mr Lamey avec les
titres les plus divers est dans une plus
mauvaise situation que s’il n’avait
à présenter que les titres d’une seule
carriere : de sorte qu’il faudrait d’une part
que le Mtre de la justice fit valoir les
droits judiciaires, le ministre de l’inston
publique les titres litteraires etc. etc.

telle est la veritable difficulté. au
premier jour de sortie j’irai voir le
Secret. Gal de la legion d’honneur : il me
dira probablement definitivement ce que
nous devons attendre.

Ne m’envoyez plus cher cousin de ces
excellents pâtés. je n’ai pu qu’en donner
un morceau à un ami et j’attends encore
le moment où je pourrai en goûter moi
même.

 

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Je mange aussi peu que possible
et sans appetit de petits potages etc.

Je ne scais ce que vous voulez dire
avec cet ouragan dont vous
me parlez.

Jenny vous prie d’agreer ses respec-
-tueux remerciments de votre souvenir.
L’etat de maladie où je me
trouve me fait beaucoup craindre
pour vous dans cette saison si
capricieuse. Gardez vous bien de
l’hiver.

Je vous embrasse bien cordialement

EugDelacroix