Lettre à Constant Dutilluex, 25 août 1849

  • Cote de la lettre ED-IN-1849-AOU-25-A
  • Auteur Eugène DELACROIX
  • Destinataire Constant DUTILLEUX
  • Date 25 Août 1849
  • Lieux de conservation Paris, bibliothèque de l'INHA, collections Jacques Doucet
  • Éditions précédentes Joubin, Correspondance générale, 1936-38
    , t. II, p. 392-393 ; Burty, t. II, p. 24.
  • Enveloppe Oui
  • Nombre de pages écrites 4
  • Présence d’un croquis Non
  • Dimension en cm 20,4x27
  • Cachet de cire Non
  • Nature du document Lettre Autographe Signée
  • Cote musée bibliothèque Ms. 239 pièce 4 bis
  • Cachet de la poste [1er cachet] Paris (D) 60 (D) // 25 aout 49 ; [2e cachet] [illisible]as (61) // 26 aout 49 ; [3e cachet] [illisible] de // 2[illisible]
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Transcription modernisée

 

Paris, 25 août 1849

Mon cher monsieur,

 

Je n’ai pas répondu tout de suite à votre lettre, me trouvant presque toujours allant de Paris à la campagne1. J’ai bien du regret de ne pouvoir être utile à la personne dont vous me parlez : certes, d’après tout ce que vous me dites, elle a des titres plus que suffisants pour obtenir des encouragements, mais j’ai eu à constater dernièrement encore que mes recommandations étaient de peu de poids. Je fais partie d’une commission des Beaux-Arts à laquelle on ne soumet que des objets d’un intérêt général comme règlements à faire etc., etc., mais cette position me met souvent dans la nécessité d’être en opposition avec l’administration, ce qui ne la dispose pas à s’intéresser à mes demandes. Vous ne me dites pas si M. Wagrez2 a exposé au Salon.

J’espère, cher monsieur, que vous voudrez bien croire à mon sincère regret dans cette circonstance. Vous avez la bonté de me parler de mon projet de voyage en Belgique. J’en ai eu l’idée cet été mais beaucoup de choses sont venues à la traverse, et cependant c’est un des plus agréables projets que je puisse former. Pourrai-je l’accomplir l’année prochaine ? Dans tous les cas, je n’oublie pas que vous voulez bien être mon cicerone à Arras, et vous serez sans doute dans tout le voyage la personne que j’aurai le plus de plaisir à rencontrer.

Vous me parlez du siccatif d’Harlem3 ; je ne suis pas partisan de cette drogue, mais je vous indiquerai le siccatif de Courtrai4, qui est à votre porte et dont se servent tous les peintres belges. Il sèche à fond et il suffit de quelques gouttes dans de l’huile de lin. Je crois que c’est la préparation la moins dangereuse, en ce qu’elle sèche véritablement. Je ne doute pas que vous puissiez vous en procurer facilement en écrivant soit à Bruxelles, soit à Courtrai.

Adieu, cher monsieur, conservez-vous bien par ces temps d’épidémie5. Nous ne sommes pas tout à fait quittes et la maladie, pour être rare, n’en est que plus foudroyante.

Recevez mille compliments bien sincères et bien affectueux.

Eugène Delacroix

 


1 A sa maison de Champrosay.
2 Edmond Wagrez (1815-1882), élève de Constant Dutilleux. Peintre de portraits, il débute au Salon de 1835 (Joubin, t. II, p. 392).
3 Un siccatif est un liant conçu pour sécher rapidement. Le siccatif de Harlem est mis au point à Paris en 1849 par Duroziez. Il sèche par sa nature (de la résine de copal chauffée et dissoute dans de l’essence d’aspic). Il est utilisé soit avec de l’huile, ce qui retarde l’évaporation du siccatif, soit avec de l’essence de térébenthine, ce qui l’accélère (Peinture et dessin, vocabulaire typologique et technique, 2009, vol. 2, p. 1012).
4 Le siccatif de Courtrai sèche grâce à des agents siccatifs (l’essence de térébenthine, du manganèse et beaucoup de plomb). Difficile de déterminer s’il s’agit d’une résine ou d’une huile sursiccativée. Les fabricants ont souvent ajouté du noir de carbone, peut-être pour dissimuler le noircissement dû aux siccatifs (Peinture et dessin, vocabulaire typologique et technique, 2009, vol. 2, p. 1012).
5 L’épidémie de choléra.

 

 

Transcription originale

Page 1

 

Monsieur Dutilleux
peintre
à Arras.

 

Page 2

Page 3

 

Paris 25 aout
1849

Mon cher Monsieur,

 

Je n’ai pas repondu tout
de suite à votre lettre, me trouvant
presque toujours allant de Paris
à la campagne. J’ai bien du regret
de ne pouvoir être utile à la
personne dont vous me parlez :
Certes d’après tout ce que vous
me dites, elle a des titres plus
que suffisans pour obtenir des
encouragements : mais j’ai eu
à constater dernierement encore
que mes recommandations etaient

Page 4

 

de peu de poids. Je fais partie
d’une commission des beaux arts
à laquelle on ne soumet que
des objets d’un interêt general
comme reglements à faire etc.
etc. mais cette position me met
souvent dans la nécessité d’etre
en opposition avec l’administration :
ce qui ne la dispose pas à s’interesser
à mes demandes. Vous ne me
dites pas si Mr. Wagrez a exposé
au Salon.

J’espere, Mon cher Monsieur,
que vous voudrez bien croire à mon
sincère regret dans cette circonstance.
Vous avez la bonté de me parler de
mon projet de voyage en Belgique :

 

Page 5

 

J’en ai eu l’idée cet eté : mais
beaucoup de choses sont venues
à la traverse et cependant c’est
un des plus agreables projets que je
puisse former. Pourrais je l’accomplir
l’année prochaine ? Dans tous les
cas, je n’oublie pas que vous voulez
bien être mon cicerone à Arras et
vous serez sans doute dans tout le
voyage la personne que j’aurai le
plus de plaisir à rencontrer.

Vous me parlez du siccatif
d’Harlem : je ne suis pas partisan de
cette drogue : mais je vous indiquerai
le [mot interlinéaire] [mot barré illisible] siccatif de Courtray qui est
à votre porte et dont se servent tous
les peintres belges. Il sèche à fond et
il suffit de quelques gouttes dans
de l’huile de lin. Je crois que c’est

 

Page 6

 

la préparation la moins dangereuse
en ce qu’elle sèche veritablement.
Je ne doute pas que vous puissiez
vous en procurer facilement en
ecrivant soit à Bruxelles soit à
Courtray.

Adieu, cher Monsieur, conser-
-vez vous bien par ces temps d’épi-
-démie. Nous ne sommes pas
tout-à fait quittes et la maladie
pour être rare n’en est que plus
foudroyante.

Recevez mille compliments
bien sincères et bien affectueux.

EugDelacroix

 

 

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