Lettre à Pierre-Antoine Berryer, 6 janvier 1846

  • Cote de la lettre ED-MD-1846-JAN-06-A
  • Auteur Eugène DELACROIX
  • Destinataire Pierre-Antoine BERRYER
  • Date 06 Janvier 1846
  • Lieux de conservation Paris, musée Eugène Delacroix
  • Éditions précédentes Lacombe, 1885, p. 43 (sans post-scriptum); Joubin, Corr. gén, t. II, p. 252.
  • Historique Acquise par le service des bibliothèques et des archives des musées nationaux avec la participation de la Société des Amis d’Eugène Delacroix auprès de la librairie Les Autographes, février 1992.
  • Enveloppe Non
  • Nombre de pages écrites 2
  • Présence d’un croquis Non
  • Format in - 8°
  • Dimension en cm 20,9x26,4
  • Cachet de cire Non
  • Nature du document Lettre Autographe Signée
  • Cote musée bibliothèque LA 31631/3
  • Données matérielles pliée en 3
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Transcription modernisée

Bordeaux1, 6 janvier 1846

 

Monsieur et cher cousin,

 

J’ai la douleur de vous faire part de la mort de mon frère Charles, arrivée le 30 Xbre dernier2. Vous estimiez son noble caractère et vous comprendrez tout ce que je perds, car il est mon dernier parent aussi proche3 et presque mon dernier ami. J’ai pu lui rendre les derniers devoirs dans le même lieu où quarante ans auparavant avait été déposé le corps de notre père et mon âme restera toujours dans ce cher endroit4.

En perdant le noble cœur, j’ai cherché ce qui me restait : j’ai pensé à vous, mon cher cousin5, et à un bien petit nombre encore d’amis avec lesquels je suis par la pensée. Conservez-moi, je vous en supplie, votre précieuse affection et recevez l’assurance bien sincère de celle que je m’honore de vous porter et qui ne s’éteindra pas.

Votre bien dévoué serviteur et bien affectionné parent

Eug. Delacroix

Voudrez-vous faire part à Monsieur votre fils6 dont j’ignore l’adresse de la nouvelle qui me plonge dans le chagrin.



1 Delacroix était parti précipitamment pour Bordeaux le 27 décembre 1845, ayant reçu des nouvelles alarmantes sur l’état de santé de son frère, Charles-Henry, qui s’était retiré dans cette ville depuis 1840 (cf. lettre à George Sand, vendredi, 8 heures du soir [26 décembre 1845] ; Paris, Bibliothèque de l’INHA-collections Jacques Doucet, inv. Ms 236 (43)).
2 Installé à Bordeaux depuis 1840, Charles-Henry Delacroix, frère aîné du peintre, était effectivement mort le 30 décembre 1845. Delacroix est arrivé trop tard pour le voir vivant.
3 Delacroix avait successivement perdu son père en 1805 et sa mère en 1814. Son frère, Henri, avait été tué à la bataille de Friedland en 1807. Sa sœur, Henriette, décédée en 1827, avait perdu son mari, Raymond de Verninac en 1822; leur fils unique, Charles, était mort en 1834.
4 Les funérailles de Charles-Henry Delacroix avaient eu lieu le 2 janvier, au grand cimetière de la Chartreuse. Delacroix resta à Bordeaux le temps nécessaire au règlement des affaires de son frère et à la commande de son tombeau, confiée à l’architecte Alexis Roché (1787-1863). Il profita de l’occasion pour commander à celui-ci un monument en l’honneur de son père, Charles Delacroix (1741-1805), lui aussi enterré dans le cimetière de la Chartreuse mais dont les restes n’avaient pas été retrouvés.
5 En fait, la lettre de Delacroix s’est croisée avec celle que Berryer lui écrivit le 7 janvier, ayant appris par la presse la nouvelle du décès de Charles-Henry Delacroix (Paris, musée Eugène Delacroix, LA 31631/4). Le 10 janvier, Berryer écrivit de nouveau à Delacroix pour lui dire la part qu’il prenait à sa douleur et l’assurer que sa lettre lui avait été « droit au cœur » (idem, LA 31631/5).
6 Arthur Berryer, fils unique de Pierre-Antoine Berryer et de Caroline Gautier. Berryer avait écrit à Delacroix le 14 juillet 1845 pour lui annoncer le mariage de son fils (Paris, musée Eugène Delacroix, LA 31631/2).

 

 

Transcription originale

Page 1

Bordeaux 6 janvier 1846

Monsieur et cher cousin,

J’ai la douleur de vous faire part
de la mort de mon frère Charles, ar-
-rivée le 30 Xbre dernier. Vous estimiez
son noble caractere et vous comprendrez
tout ce que je perds, car il est mon dernier
parent aussi proche et presque mon
dernier ami. J’ai pu lui rendre les
derniers devoirs dans le même lieu où
quarante ans auparavant avait eté
deposé le corps de notre pere et mon ame
restera toujours dans ce cher endroit.

En perdant le noble cœur, j’ai cherché
ce qui me restait : j’ai pensé à vous, mon
cher cousin et à un bien petit nombre encore
d’amis avec lesquels je suis par la pensée.
conservez moi, je vous en supplie votre
precieuse affection et recevez l’assurance bien

 

Page 2

sincère de celle que je m’honore de
vous porter et qui ne s’eteindra pas.
votre bien devoué serviteur
et bien affectionné parent
Eug. Delacroix


voudez vous faire part à Monsieur
votre fils dont j’ignore l’adresse de la
nouvelle qui me plonge dans le chagrin.

 

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