Lettre à Pierre-Antoine Berryer, 12 novembre 1859

  • Cote de la lettre ED-MD-1859-NOV-12-A
  • Auteur Eugène DELACROIX
  • Destinataire Pierre-Antoine BERRYER
  • Date 12 Novembre [1859]
  • Lieux de conservation Paris, musée Eugène Delacroix
  • Éditions précédentes Lacombe, 1885, p. 60 (partiellement); Joubin, Corr. gén, t. IV, p. 128 (idem).
  • Historique Acquise par le service des bibliothèques et des archives des musées nationaux avec la participation de la Société des Amis d’Eugène Delacroix auprès la librairie Les Autographes, février 1992.
  • Enveloppe Non
  • Nombre de pages écrites 3
  • Présence d’un croquis Non
  • Format in - 8°
  • Dimension en cm 20,5x26,5
  • Cachet de cire Non
  • Nature du document Lettre Autographe Signée
  • Cote musée bibliothèque LA 31631/100
  • Données matérielles pliée en 3
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Transcription modernisée

Champrosay ce 12 nov.

Mon cher cousin,

J’essaie ici d’oublier en travaillant les douceurs de mon séjour auprès de vous1. Un ou deux voyages à Paris m’ont donné un peu de distraction2 et néanmoins je pense toujours avec un vif plaisir aux bons moments que vous m’avez donnés. Il faudra bientôt que vous vous arrachiez vous-même à votre retraite. Vous m’avez dit que vous commenciez à trouver les salons fatigants et ennuyeux : on y trouve plus de barons allemands et autres originaux insupportables que d’hommes comme vous. Si vous restez quelquefois chez vous par suite de cette résolution, des ours comme moi auront la chance d’aller jouir quelquefois près de vous des rares agréments que le monde ne peut guère procurer : j’irai vous y remercier de nouveau de votre cordialité et de votre bonté pour moi.

Je vous prie d’être assez bon pour présenter mes respects à madame votre belle-fille et à madame Ludovic Berryer3. Si les dames de Vaufreland sont encore près de vous, je vous demande également la même faveur auprès d’elles .

Recevez, mon cher cousin, l’expression de mes sentiments les plus dévoués.

Eug. Delacroix

P. S.

Excusez mon ridicule postscriptum. Je suis poursuivi par les deux airs de l’Enlèvement au sérail4, Un vieux barbare et le chevalier. J’ai résolu d’en apprendre les paroles s’il est possible. Mr. Chaillou5 à qui je serre bien la main serait bien aimable de les copier dans la partition. Je les lui demanderai en allant vous voir à Paris6.


1 Delacroix venait de passer quelques jours auprès de Berryer, dans sa propriété d’Augerville-la-Rivière, près de Malesherbes (Loiret).

2 Le Journal ne comporte aucune indication sur cette période.

3 Le fils de Berryer, Arthur, avait épousé en secondes noces, en 1852, Noémie de Gailhard. Ludovic Berryer était le plus jeune des frères de Pierre-Antoine.

4 Comédie lyrique de Mozart (1782).

5 On trouve ce nom orthographié avec ou sans x, dans trois autres lettres de Delacroix à Berryer, la première datée du 6 septembre 1858 (Paris, musée Eugène Delacroix, LA 31631/82), la deuxième datée du 7 mai 1861 (idem, LA 31631/117) et la troisième du 5 novembre 1862 (idem, LA 31631/143). Selon A. Joubin (Corr. Gén, t. IV, p. 129, note 1), Chaillous (sic) était le secrétaire de Berryer et devint plus tard juge à Angers. Ce patronyme est très courant en France. Un certain Chaillou, conseiller de préfecture, ex-officier d’artillerie, était député de 1832 à 1839 de la Loire-Inférieure (actuelle Loire-Atlantique) pour l’arrondissement de Nantes, alors que Berryer, au même moment, émargeait comme député de la Haute-Loire (cf. L’Almanach royal et national, de 1832 à 1839). Ce M. Chaillou est domicilié à Paris successivement rue du Bac, n°9, puis rue de Grenelle-Saint-Germain, n°18. En 1838, il est mentionné plus précisément comme conseiller à la sous-préfecture des Sables-d’Olonnes et comme maire de Saint-Jean-de-Mont (Vendée). Or un Jean-Baptiste Chaillou a effectivement occupé cette dernière fonction de 1827 à 1830, puis de 1835 à 1839 (cf. site internet de cette commune). S’agit-il du même homme ? Delacroix avait chargé Berryer de remercier Chaillou pour l’envoi de sa thèse (lettre datée du 6 septembre 1858 au musée Eugène Delacroix, LA 31631/82).

6 En fait, Berryer répondit à Delacroix le 14 novembre en joignant à sa lettre la copie de la musique et des paroles de ces deux airs (Paris, musée Eugène Delacroix, LA 31631/101).

Transcription originale

Page 1

Champrosay ce 12
nov.

Mon cher cousin,

J’essaye ici d’oublier en
travaillant les douceurs de mon
sejour auprès de vous : un ou deux
voyages à Paris m’ont donné
un peu de distraction et neanmoins
je pense toujours avec un vif plaisir
aux bons moments que vous
m’avez donnés. Il faudra bientot
que vous vous arrachiez vous même
à votre retraite. Vous m’avez dit
que vous commenciez à trouver les
salons fatigans et ennuyeux : on y
trouve plus de barons allemands et
autres originaux insupportables que
d’hommes comme vous. Si vous

 

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restez quelque fois chez vous
par suite de cette resolution,
des ours comme moi auront
la chance d’aller jouir quelquefois
près de vous des rares agrements
que le monde ne peut guere
procurer : j’irai vous y remercier
de nouveau de votre cordialité
et de votre bonté pour moi.

Je vous prie d’etre assez bon
pour présenter mes respects à
Madame votre belle fille et à
Madame Ludovic Berryer. Si
les dames de Vaufreland sont
encore près de vous je vous deman-
-de egalement la même faveur
auprès d’elles.

Recevez mon cher cousin
l’expression de mes sentiments les plus
devoués.

Eug Delacroix

P. S.

 

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excusez mon ridicule post-
scriptum. Je suis poursuivi par
les deux airs de l’enlevement au
serail, Un vieux barbare et le
chevalier. j’ai résolu d’en appren-
-dre les paroles s’il est possible .
Mr. Chaillou à qui je serre bien
la main serait bien aimable de
les copier dans la partition. Je les
lui demanderais en allant
vous voir à Paris.

 

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